[ZOA] “Debout – Se relever” de Djino Alolo Sabin et Christina Towle suivi de “Les Corps mous#2” de Vincent Lacoste
L’édition 2016 du festival ZOA, Zone d’Occupation Artistique, dirigé par Sabrina Weldman, se déroule à Micadanses et au Théâtre de la Reine Blanche jusqu’au 20 octobre. La première soirée dans la salle de danse réunissait un double programme : Debout – Se relever de Djino Alolo Sabin et Christina Towle – Kivuko Compagnie (Création) suivi de Les Corps mous#2 de Vincent Lacoste – compagnie Expir (Création) . Un double programme au fil très contestataire.
La belle soirée du festival ZOA, entendez Zone d’Occupation Artistique commence par une forme courte, La création conjointe du danseur congolais hip-hop Djino Alolo Sabin et de la chorégraphe américaine Christina Towle est un travail à suivre sur le souffle. Leur objet d’étude est le match mythique, le “rumble in the jungle”, qui opposa Mohammed Ali à George Foreman en 1974 aux frais du président éternellement réélu “tous les sept ans”, Mobutu.
Au départ seul en scène devenant au fil de la pièce un trio, Debout-Se relever commence par installer les choses : un danseur trace la symbolique d’un ring au scotch rouge. Au cœur de ce carré se tient droite une batterie. La danse arrive par les poings de Djino Alolo Sabin, hyper rapide. Le geste est celui d’un combat de boxe. Il esquive et réplique, se protège et baisse la garde. C’est fulgurant. Ensuite, le spectacle perd en puissance, dans une proposition intéressante d’un pas de trois relié par les crânes puis d’une explosion (trop tendre) de la batterie. L’ensemble tient la route même si la pièce devra être encore plus incarnée pour fonctionner pleinement. La respiration est ici extrêmement bien travaillée dans cette chorégraphie qui ne vise qu’à les relever. Il y a cette image du danseur plus droit que jamais, les bras levés, les gants croisés. Signe de victoire et de soumission. Debout-Se relever vient nous parler de la fausse démocratie et de la permanence des régimes autoritaires qui maintiennent le peuple à terre. A suivre.
La seconde pièce, plus construite et plus aboutie nous saisit par son coup de théâtre. Les corps mous #2 de Vincent Lacoste fait suite au #1 présenté l’année dernière à ZOA. Cette fois ci c’est en duo que Mathias Dou et Lydia Boukhirane s’empare de la mollesse. Sur le plateau tout blanc, deux poufs gisent au sol. Elle danse lentement, dans un enchaînement circulaire. La proposition ennuie. On se demande si elle va évoluer comme ça sur un menuet pendant une heure. On doute car quatre écrans filment ce qui se passe : dans le hall, au fond du décor, au dessus du plateau et en gros plan, le visage de Christophe Séchet qui est annoncé comme devant faire “une création sonore en direct”.
Et puis le choc arrive. Elle “vomit”, convulse. Lui la rejoint sur scène dans un croisement, puisqu’elle prendra la place qu’il avait jusque là, assis sur un canapé dans le hall. La danse reste la même mais elle change de point de vue. Les muscles sont plus tendus, les torsions sont poussées mais glissent avec une fluidité déconcertante. Au son, Christophe Séchet excelle, mixant une marche funéraire avec un discours politique en Russe. Il ponctue sa partition de petites gouttes numériques qui tapent comme des balles. L’ambiance qui était au départ douce et somnolente devient anxiogène et hypnotique dans une univers plutôt sixties qui emprunte à l’ambiance de La maison du prisonnier. Ici les corps tombent, l’homme a presque une tête de bonhomme Michelin, l’affaire devient drôle. Lacoste joue à la poupée avec ces deux magnifiques danseurs, il leur fait tout faire, les déshabillent, les rendant hagards. C’est brillant.
Visuels :
@Anne Girard
@Claude Boisnard