Danse
Paulo Ribeiro pour la première fois au Théâtre de la Ville

Paulo Ribeiro pour la première fois au Théâtre de la Ville

17 April 2011 | PAR Alienor de Foucaud

Issu d’une génération de chorégraphes portugais nés avec la Révolution des Œillets, Paulo Ribeiro vient pour la première fois au Théâtre de la Ville pour présenter deux de ses pièces créées alors qu’il dirigeait le Ballet Gulbenkian. White Feeling (2004) et Organic Beat (2005) irriguent aujourd’hui le répertoire du Ballet de Lorraine.

 

Voici un programme qui témoigne de l’incroyable diversité des propositions de ce Ballet ; après une soirée 100% Afrique avec Désirs à Chaillot et avant de se plonger dans la danse américaine à Nancy (Made in America), les danseurs lorrains rencontrent le chorégraphe portugais Paulo Ribeiro. Créateur emblématique de la nouvelle vague portugaise de la fin des années 80, ce chorégraphe s’est affirmé dans l’effervescence du printemps 1994 lorsque Lisbonne se fêtait capitale culturelle européenne. Aux côtés de Clara Andermatt, il fondait sa propre compagnie. Moins de dix ans plus tard, il dirigeait le Ballet Gulbenkian. L’aventure ne durera que deux ans, mais avec une énorme générosité dans l’énergie des corps comme dans la sensualité des lignes. La compagnie lisboète s’arrête avec la fin du mandat du chorégraphe en 2005. Lequel s’en est allé trouver son bonheur ailleurs, à Viseu, ville de quelques 50 000 habitants. Là, le Teatro Viriato lui permet tant bien que mal de maintenir une compagnie permanente. Mais chaque année, les subventions s’amenuisent.

Il est bien des formes de censures qui affectent la démocratie, telle que la rigueur budgétaire lorsqu’elle fait entrave à la création artistique. Au Portugal, le 25 avril 1974, Grândola vila morena, la chanson de José Afonso donna le signal de départ de la Révolution des Œillets, annonçant le soulèvement des forces armées pour renverser le régime dictatorial. Trente-six ans plus tard, les œillets se sont fanés dans la patrie de Fernando Pessoa et Manoel de Oliveira. Et les artistes portugais sont en proie aux pires difficultés. Le président libéral-conservateur Anibal Cavaco Silva, réélu en janvier dernier, se soucie si peu de la culture que nombre lieux de création et d’artistes sont mis à la diète. La présence de Paulo Ribeiro au Théâtre de la Ville permet non seulement de rappeler les conditions de création du chorégraphe mais aussi de soutenir et célébrer son travail artistique d’une grande qualité.

White Feeling et Organic Beat suffisent ainsi à montrer quel talent est laissé pour compte. Chacune font se répondre dans deux registres très différents, danse et musique. White Feeling invite les quatre accordéonistes du groupe Danças Ocultas à accompagner la danse puissante de dix hommes. Corps entrelacés, musculatures désarticulées, la gestuelle est libre, souple et fluide. La danse est sensuelle, sans tabous, le mouvement est simple et pur. Pour Organic Beat, c’est la musique percussive de John Cage qui joue sur la masse de trente danseurs, tous revêtus de slips chair, quasis nus. A nouveau les corps s’entremêlent formant des duos. Plus expérimentale, cette création puise sa force dans l’ampleur du groupe. La danse est performance, elle fait acte, elle crie sa liberté, sa beauté. Paulo Ribeiro vit sa danse comme une nécessité d’être devant l’héritage culturel et artistique de son pays qui doit survivre et continuer à exister. Il s’agit d’un mode d’être et d’une mise en jeu de soi au travers du geste dansé.

www.thatredelaville-paris.com

 

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