Danse
“Oikos Logos” d’Etienne Rochefort : le cycle de la vie

“Oikos Logos” d’Etienne Rochefort : le cycle de la vie

06 November 2019 | PAR Simon Théodore

Du 5 au 7 novembre, au Pole-Sud de Strasbourg, le chorégraphe et danseur Étienne Rochefort présentait son projet Oikos Logos. Accompagné de danseurs, musiciens et d’une chanteuse, il met en scène, de manière captivante, l’évolution de l’humanité à travers le langage des corps.

Chacun leur tour, les corps sont éclairés par la lumière brisant la pénombre. Ils bougent lentement et laissent transparaître une situation violente ou règne l’effroi. Chaque interprète porte un costume ramenant à un ancien temps, probablement rythmé par la guerre. Ces êtres sont attirés vers un point culminant où sont entreposés des livres et un appareil permettant de diffuser des sons. Leurs déplacements en slow motion, réalisés avec technique, leur fera mettre quelques minutes à atteindre leur but… De cette première scène à l’atmosphère lourde, se dégage alors une dimension cinématographique et presque picturale. L’ambiance produite par l’éclairage dans cette obscurité renvoie ainsi à certaines peintures mythologiques des époques baroque et romantique. Au-delà de ces influences ressenties, le spectateur est immédiatement plongé en immersion dans un spectacle qui va lui raconter une histoire de l’humanité.

Après cette première scène prenante, le cycle de l’histoire débute et la technique des différents interprètes se dévoile. Lorsqu’il s’agit d’animer des corps, Étienne Rochefort, par la précision de ses gestes et l’osmose qu’il entretient avec ses partenaires, fait apparaître les liens invisibles qui permettent de donner la vie. Entre les passages chorégraphiés en groupe, les performances en solo usent de capacités physiques impressionnantes pour symboliser la personnalité des protagonistes, leur individualisme, puis leur folie dans ce monde étrange. Outre ce thème de la violence qui mène à la création, c’est aussi le rapport entre le groupe et l’individu qui est traité dans Oikos Logos. À chaque fois que ce premier se crée et s’uniformise sous diverses pressions, des individualités se créent et évoluent  indépendamment. Au final, il ne s’agit que d’un éternel recommencement métaphorisé à travers ce spectacle.

Outre ce fond passionnant, la réussite du projet réside également dans le croisement des arts et des disciplines. Bien que la partie théâtrale, durant laquelle les comédiens sont dotés de la parole mais ne savent que dire, arrive trop tôt et soit un peu longue, cet épisode apporte une variété certaine. Mais l’efficacité est surtout portée par la musique interprétée en direct. Le chant lyrique d’Anaïs Mahikian devient alors une représentation du souffle de la vie. Couplée avec le vibraphone de Nicolas Mathuriau, la profondeur et l’aspect lancinant de la guitare de Jimmy Febvay nous plongent dans ce monde et nous rappellent que tout n’est que boucle et cycle. La table de mixage, disposée en hauteur devient l’enjeu pour tout rembobiner et tout arrêter. Même la musique électronique choisie pour que les personnages évacuent leur besoin de faire la fête atteint le public et brise le rythme de la représentation. Le moment atteint alors une belle intensité…

En somme, Oikos Logos d’Étienne Rochefort apparaît comme un très beau projet, un spectacle au sujet passionnant, mis en scène avec originalité et interprété avec des artistes de talent. Si certaines scènes sont parfois trop abstraites pour être intelligibles, cette impression est toujours contrebalancée par la beauté des mouvements. Gagne alors l’envie de revoir cette prestation pour pouvoir scruter les moindres détails de la performance.

Visuel : (c) Etienne Rochefort.

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