Jerome Robbins et Mats Ek à Garnier : un équilibre éclectique
Un double programme alléchant nous attendait ce soir au palais Garnier : Dances at a Gathering, de Jerome Robbins, et Appartement, de Mats Ek. Rencontre au sommet entre deux chorégraphes qui ont en commun une relation forte à la musique et le goût de la joie.
Créée en 1969, Dances at Gathering est la troisième pièce d’un quatuor dédié à la musique de Chopin. Jerome Robbins vouait en effet un amour sans bornes au compositeur romantique, dont les subtilités restaient selon lui à élucider à travers la danse. Les mazurkas et valses aux accents folkloriques servent ici un parterre d’étoiles à leur meilleur, dans une succession de tableaux colorés et abstraits qui évoquent parfois Balanchine, chez qui Robbins dansa. Délestée de toute narration, la pièce semble tout entière dédiée à la pureté du mouvement, explorant l’espace scénique dans tous ses recoins. Non sans renouveler au passage le vocabulaire du ballet classique avec une légèreté réjouissante. Les couples se font et se défont, avec ce soir une mention spéciale à Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta dans leur pas de deux, ainsi qu’à Mathieu Ganio, d’une aisance époustouflante.
Après l’entracte, l’avant-scène recouvre la fosse, le rideau rouge a été remplacé par une version en carton pâte. Devant, trône le bidet de la pièce fétiche de Mats Ek, véritable ready-made à danser. Marie-Agnès Gillot peut alors se glisser sous le rideau et faire son entrée en habituée, elle qui a créé le rôle à l’Opéra Garnier en 2000. Pour le reste de la distribution, il s’agit essentiellement de prises de rôles ; Stéphane Bullion confirme son aisance dans le contemporain, notamment dans un pas de deux remarqué avec Ludmila Pagliero. Ovation également pour le Fleshquartet. Il faut dire que la composition du groupe suédois, créée en symbiose avec Mats Ek, est pour beaucoup dans la part de fantaisie que recèle la pièce, qui oscille perpétuellement entre réalisme et onirisme.
Le noyau de la société décrite reste le couple – déjà exploré dans Smoke, pour la télévision en 1995, dans la version dansée par Niklas Ek et Sylvie Guillem. Un couple mis à mal par les agressions du quotidien, l’envahissement de la télévision, l’ennui. Mais un couple qui résiste, grâce à la Carte du Tendre contemporaine qu’esquisse pour lui le chorégraphe suédois. Son style très reconnaissable fait la part belle aux objets domestiques (le four, la télévision, les aspirateurs) pour mieux les détourner par le biais du burlesque.
Les tableaux s’enchaînent à vive allure, les danseurs semblent portés par l’énergie de la chorégraphie : les rappels furent nombreux.
Visuels : Mathieu Ganio, Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, Marie-Agnès Gillot © Sébastien Mathé / Opéra national de paris
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