Danse
Early Works : Anne Teresa de Keersmaeker à l’honneur à l’Opéra de Lille

Early Works : Anne Teresa de Keersmaeker à l’honneur à l’Opéra de Lille

24 March 2013 | PAR Audrey Chaix

Cette semaine du mois de mars, l’Opéra de Lille a gâté le public lillois : quatre spectacles d’Anne Teresa de Keersmeaker créés au début de la carrière de la chorégraphe belge, dans les années 1980, et qui ont fait date depuis, qui sont devenus des références dans le domaine de la danse contemporaine. Fase* et Rosas danst Rosas, sur une partition de Steve Reich, et Mikrokosmos/Bartók ainsi que Elena’s Aria : quatre pièces qui permettent de comprendre le cheminement artistique d’Anne Teresa de Keersmaeker, et qui sont surtout l’occasion, pour le public qui ne les aurait jamais vues, de les découvrir sur scène.

 

Rosas danst Rosas est peut-être l’œuvre la plus connue d’Anne Teresa de Keersmaeker, celle qui a marqué l’histoire de la danse contemporaine. Quatre danseuses, quatre mouvements sur la musique puissante et hypnotique de Steve Reich. Cela commence par un mouvement de danse au sol, comme un réveil difficile, rythmé par le seul bruit de la respiration des danseuses. Et cela monte en intensité au fur et à mesure que la pièce avance, et que la musique emplit l’espace. Vêtues comme des petites filles, de chemisiers et de jupes sages, les quatre danseuses semblent partir à la découverte de leur corps et de leur féminité – notamment au cours du troisième mouvement, où elles esquissent tour à tour un début de strip-tease en dénudant leurs épaules sous une douche de lumière. Leurs mouvements rapides, répétitifs, épousent le rythme de la musique de Reich, corps et notes adoptent la même pulsation, et l’intensité qui émane du plateau gagne la salle jusqu’à presque saturation.

 

Avec Mikrokosmos/Bartók et Elena’s Aria, la féminité est encore au centre du propos de la chorégraphe. Dans le premier, les danseuses sont du côté de l’enfance. Sur la partition de Bartók, interprétée par les musiciens de l’ensemble Ictus, elles évoluent sur le plateau comme dans un cour de récré avec des jupes qui s’ouvrent en corolle et des jeux enfantins. La femme en elle apparaît lorsqu’elles relèvent leurs jupes, mais c’est de manière tellement légère qu’elles montrent leur culotte blanche que le jeu revient vite au galop. Présence masculine, également, avec un duo homme/femme dans lequel la relation se construit par la taquinerie et le jeu, dans un chassé-croisé plein de grâce et de douceur. Et toujours, cette manière si caractéristique de mouvoir leur corps, entre danse et gestes du quotidien, qui impose la marque de De Keersmaeker.

 

Elena’s Aria, la plus récente des pièces présentées, introduit la musique d’opéra et le monde extérieur, avec des enregistrements de discours du Che. Les cinq danseuses sont vêtues de robes ultra féminines et de talons, qui les fait se mouvoir parfois comme des danseuses de flamenco. La mise en scène évoque Pina Bausch et son Café Muller, on sent que ce spectacle est celui d’une plus grande maturité, les jeunes filles sont devenues des femmes – même si l’enfance n’est jamais loin alors qu’elles se débarrassent de leurs talons et rejouent, sur des chaises au devant de la scène, le fameux deuxième mouvement de Rosas danst Rosas.

 

Les connaisseurs ont donc apprécié de pouvoir voir, sur le plateau, ces pièces séminales en chair et en os. Quant aux néophytes, ils ont pu découvrir avec bonheur le travail d’une grande chorégraphe, dont le travail a fait date dans l’histoire de la danse contemporaine, et continue de marquer le milieu à chaque nouvelle création.

 

 

 

Photo : Herman Sorgeloos

*Nous n’avons pas vu ce spectacle lors de cette rétrospective. Voir la critique d’Amélie ici.

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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