Any attempt… La pièce très inspirée de Jan Martens au Festival d’Avignon
Est-ce par manque d’originalité ou par peur du lieu que Jan Martens, dont nous adorons la danse vibratoire, performative et drôle, livre au Festival d’Avignon une pièce à l’écriture très classique ?
Les idoles
Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones commence par un magnifique solo, tout en lignes et en bras raides à la vivacité folle, comme on l’a vu souvent chez Lucinda Childs. Au sol, des traits sont tracés comme chez Anne Teresa de Keersmaeker. Puis, la danse, dans un geste postmoderne très attendu, se lance dans des tableaux : après le solo, un pas de deux, puis des scènes de groupe, puis comme chez Charmatz le développement de l’idée qu’un est multiple.
Aux premières minutes de cette pièce très belle, où les lumières sont comme les costumes, très léchées, vous l’aurez compris, la question qui se pose pour nous, c’est : qu’est-ce qui appartient vraiment à la grammaire de Martens ? C’est comme s’il avait convoqué toutes ses idoles sur le plateau immense du lycée Saint-Joseph pour l’accompagner dans cette entrée dans la cour des très grands.
Être soi
Évidemment que les déphasages et les baskets n’appartiennent pas à Anne Teresa de Keersmaeker et que Charmatz n’a pas le monopole des solos collectifs. Et finalement, et heureusement, c’est l’humour qui libère la danse de Martens et lui offre la possibilité d’être lui.
Et c’est particulièrement la présence du performeur Steven Michel qui avec son geste de frottage d’yeux impulsif nous donne vraiment quelque chose de neuf à voir. C’est aussi la belle diversité des danseurs, de toutes les tailles, de toutes les couleurs et de tous les âges qui rend la pièce très belle.
En lutte
Néanmoins, on se demande où Martens veut aller. Il n’est pas clair, en voyant le spectacle, si la volonté est de chercher le beau, l’évidence (superbes jetés), ou de dénoncer, comme le souligne un texte populiste et glaçant lu par une danseuse, l’état réactionnaire du monde. Ce texte, qui ensuite est incarné par les danseurs dans une marche qui devient militaire avant de retrouver sa liberté et sa rondeur. Ce n’est pas innovant, mais le geste, qui est ardu, est magnifiquement maîtrisé.
Ils sont donc dix-sept interprètes au plateau et ils interviennent (entre autres) sur la musique géniale, baroque sous acide, de Henryk Górecki. Ils dansent les pieds souvent vissés et le haut du corps très en lutte. Et c’est bien dans les individualités des mouvements que Any attempt will end in crushed bodies and shattered bones peut trouver son public en recherche de gestes neufs. Mais cela ne suffit pas à oublier que l’écriture de ce spectacle manque de la modernité à laquelle le génial Jan Martens nous avait jusque-là habitués.
Jusqu’au 25 juillet, cour du lycée Saint-Joseph, 22 heures, durée 1h30.