Danse
A louer, la danse fantastique de Peeping Tom au Théâtre de la Ville

A louer, la danse fantastique de Peeping Tom au Théâtre de la Ville

29 May 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Mais d’où vient ce souffle fou qui transforme une scène de théâtre en film fantastique chicissime des années 20 ? Et bien, du Théâtre de la Ville qui invite les chorégraphes belges Franck Chartier & Gabriela Carrizo. A louer est la nouvelle création de Peeping Tom, créée en 2000 et déjà auréolée du Prix du meilleur spectacle de danse de l’année 2005, raconte d’une façon tout à fait innovante une classique histoire : celle de la perte de l’existence.

Tout commence en brouillant des codes qui n’appartiennent de toute façon pas au Théâtre de la Ville : un rideau rouge… mais en fond de scène. Un orchestre qui s’accorde… mais il est absent. Entre en scène, dans un salon bourgeois, Seoljin Kim, un danseur jouant le rôle d’un drôle de majordome auprès de la triste Marie Gyselbrecht. Il est en costard, elle est en superbe robe noire perlée. Lui commence à danser, tel un pantin articulé en même temps par un nombre fou de marionnettistes. La plante des pieds ne touche jamais le sol, ce sont les coups de pied, les arrêtes et pour les mains le dos qui servent d’appuis. Cela donne une danse accélérée, fantasmagorique.

Le ton est donné, rien ne se passe comme prévu, ne cherchez pas l’histoire, elle vous attrape malgré vous. Dans cette maison dont on découvrira bientôt des portes, d’autres rideaux et un étage, une cantatrice chante, mais elle vieillit, son cher et tendre lui demande “comment s’est passée ton audition ? Quand est-ce que tu remonteras sur scène ?” Une cour de groupies ou de visiteurs de châteaux hantés, allez savoir, la suit. L’un d’entre eux se retrouve coincé dans la maison, il y verra surgir son double mourant, tout en danse tortueuse bien sûr !

A louer décrit le moment où l’inconscient accepte de lâcher prise. La réalité devient irréelle. Les tableaux prennent vie, les hommes se dédoublent quand d’autres disparaissent littéralement comme par magie dans un sofa. Cette baraque là pourrait être celle de la famille Adam’s version glam-vintage.

Tout semble fragile, à commencer par cette danse qui frise la fracture sans cesse. La sensation d’équilibre n’est que plus présente. Le travail sur l’éphémère est ici souvent drôle pour devenir au fur et à mesure du spectacle tendre et triste. L’allégorie qui traverse la pièce est celle du spectacle, art furtif par excellence. La diva cherche les saluts, un faux public applaudit en silence, le son du chant devient vrombissement dans un travail musical impressionnant.

On côtoie la peur, celle de voir chuter les danseurs élastiques capables de tout. On les verra danser avec au cou, leur cachant la vue, un autre danseur enroulé. Comme dans tout rêve, la rationalité n’a pas sa place. Et pourtant, A louer vient dire la fragilité du passage de l’être humain à la fin  dès le début. La structure parfaite qui nous amène de l’étonnement à la compassion est offerte par une exigence dans la mise en scène, qui réglée à la seconde ne laisse aucune place à l’improvisation.

Peeping Tom  signifie  Voyeur en anglais. Ici, rien d’interdit aux mineurs mais des yeux qui ne peuvent pas croire ce qu’ils voient.

C’est parfait.

Visuel : (c) © Herman Sorgeloos

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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