
A June Events, Liz Santoro, Pierre Godard et Julie Nioche, trois expérimentateurs du mouvement
A June Events, le tandem Liz Santoro / Pierre Godard et Julie Nioche aiment à mêler considérations scientifiques et chorégraphiques dans leurs traitements singuliers du mouvement : hiératique et tonique dans le conceptuel For Claude Shannon, plus poétique et plastique dans Nos Amours.
Claude Shannon, l’homme qui donne son nom à la première pièce, n’est autre qu’un grand théoricien, pionnier de l’ère numérique. S’il fallait trouver une correspondance entre cette éminente figure et la danse qui est présentée, ce serait son ingénierie tant formes abstraites et géométriques se répètent suivant un ordre parfaitement agencé. La pièce écrite pour trois danseuses et un danseur s’apparente à une « machine chorégraphique » selon ses concepteurs Liz Santoro et Pierre Godard, artistes associés à l’Atelier de Paris. Le duo franco-américain fait du mouvement une expression hyper codifiée et réglée au cordeau. Cela réclame une attention extrême des interprètes aux gestes robotiques, aigus et tranchants, exécutés en interaction avec le son et la parole. Ils ne faiblissent jamais. L’ensemble demeure trop rigide mais finit par produire une certaine fascination.
Plus souple et sensible est l’expérimentation proposée par Julie Nioche au Théâtre de l’Aquarium. Si, à sa création, Nos Amours était un duo partagé avec le danseur Miguel Garcia Llorens, cette fois, la chorégraphe et danseuse se présente seule en scène sous l’égide d’un grand anneau Saturnien irradiant dont la généreuse circularité promet harmonie et protection. C’est un corps pourtant tourmenté, turbulent, intranquille qui se donne à voir. La danseuse se tend et se tord, se casse, en état d’euphorie ou de souffrance, dans des élans somatiques et extatiques. Torse nu, elle exhibe des lianes ondulantes finement dessinées à la peinture noire sur et autour de ses formes, comme des traces visibles d’histoires d’amour déposées et inscrites à même la peau. Des états, des sentiments forts et divers se manifestent d’une façon sauvage, quasi tribale. Objet s’apparentant à une mémoire physique, le corps transpire la passion qui l’anime, le caresse, le secoue, le fait vibrer.