Cirque
A Paris, le Cirque Romanès étonne et détonne!

A Paris, le Cirque Romanès étonne et détonne!

19 November 2019 | PAR Mathieu Dochtermann

Jusqu’en mars 2020, le chapiteau du Cirque Romanès est planté au Square Parodi (face au 35 Boulevard de l’Amiral-Bruix) à côté de la Porte Maillot. Les Romanès sont des habitués du quartier, si le quartier ne s’habitue pas à eux : ils présentent ce coup-ci un spectacle intitulé Les nomades arrivent !, où ils mêlent encore et toujours musique et danse tziganes avec quelques disciplines circassiennes. On ira avant tout pour une atmosphère dépaysante, par goût de la simplicité et d’une certaine nonchalance… et pour l’accueil généreux !

Le Cirque Romanès se mérite : pour le rejoindre, le spectateur doit emprunter l’un des boulevards les moins plaisants du 16e arrondissement, au milieu des barrières de chantier, et longer un jardin public plongé dans l’obscurité…

A l’arrivée, le tableau surprendra ceux qui sont plutôt habitués du Monfort, de la Villette ou du Cirque Electrique : pas d’accueil, pas de jolies guirlandes de lumière, pas de fioritures.Juste un chapiteau dans l’ombre de quelques caravanes posées entre les grilles.

C’est pour mieux apprécier la lumière et la chaleur qui éclaboussent les arrivants dès la toile du chapiteau écartée pour en franchir le seuil. On est immédiatement accueilli par un immense sourire, quelques mots aimables personnalisés, comme si on était un habitué de longue date, presque un ami, enfin revenu faire une visite.

L’atmosphère est immédiatement familiale. A l’entrée, ceux qui adressent leurs bienvenus au visiteur ne sont pas moins qu’Alexandre Romanès, le maître de céans, et l’une de ses filles. Sur les gradins paraissent quelques chats, alanguis par l’attente du spectacle. Une odeur de vieille sueur se mêle à celle du thé. Des gens vont et viennent, on foule la piste comme si elle n’avait rien de sacré, on s’installe, on discute, on attend, on attrape – littéralement – à la volée un coussin pour assurer le confort de son assise.

Quand le spectacle commence, il a le même charme suranné, il communique la même impression très étrange d’avoir été convié dans la cuisine d’hôtes qui aiment la fête, qui aiment jouer de la musique et chanter et danser, où toute la famille a son rôle et son petit numéro à présenter, depuis le patriarche qui préside avec bonhomie aux festivités jusqu’à la cadette qui esquive quelques pas maladroits.

Alexandre Romanès meuble en faisant de l’humour, les artistes rentrent et sortent d’une loge à peine masquée par quelques voiles peu opaques, tous les âges et tous les niveaux de maîtrise ont leur place sur la piste, et toutes les disciplines.

Dans ces conditions, évidemment, on n’assiste pas uniquement à des numéros de haute volée sur le plan technique. Ce n’est pas à dire qu’il n’y a pas quelques artistes qui connaissent leur affaire : une contortionniste-gymnaste fait de beaux enchaînements, une trapéziste s’illustre particulièrement au tissu aérien, une fil-de-fériste tient le public en haleine avec un long numéro, un jongleur montre plusieurs fois ses talents, un circassien-à-tout-faire oscille entre jonglage, roue Cyr, mât chinois et autres agrès.

Mais finalement ce qui est le plus touchant ce sont peut-être ces petits numéros enchaînés à un rythme d’enfer comme dans un sideshow au début du spectacle, où les membres de la famille participent tous à la mesure de leurs capacités. Ou peut-être encore les deux seuls numéros avec animaux, qui sont des numéros de dressage de chien et de chat : on a l’impression que le chien de la famille vient faire un équilibre, que le chat a l’habitude de venir faire sa sieste en haut d’un trapèze.

On est dans le salon familial, un salon un peu fané certes mais qu’importe puisque la compagnie est bonne ? Les chats passent entre les membres du public, tout est offert sans clinquant et sans apparat excessif, sans prétention et même parfois avec une nonchalance désarmante. Désarmante, car elle n’est pas celle à laquelle le « nouveau cirque » nous a habitués : il ne s’agit pas ici de présenter les numéros avec une maîtrise surhumaine, telle qu’elle fait paraître naturel et sans effort un geste technique d’une extrême difficulté ; il s’agit au contraire de présenter des numéros classiques avec honnêteté, dans la vérité de leur difficulté physique, mais aussi en laissant paraître qu’ils sont exécutés pour la millième fois et qu’ils n’ont plus rien de neuf.

La candeur de révéler que le cirque peut ne pas être extraordinaire, ni au sens de la prouesse, ni au sens de la rareté.
Mais la générosité d’en faire tout de même un moment de fête, de chaleur humaine, de partage. Un moment de spectacle, mais un spectacle à taille humaine, loin des jauges à 1200 places et de la production hyper aseptisée des compagnies nord-américaines.

A voir, pour cette atmosphère si particulière, semblable à aucune autre !

Jusqu’au dimanche 15 mars, au Square Parodi à la Porte Maillot, à Paris.

 

Visuel: (c) Catherine Gaudin

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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