Cirque
“Métamorphoses” : un cirque équestre où la forme l’emporte sur le fond

“Métamorphoses” : un cirque équestre où la forme l’emporte sur le fond

14 March 2023 | PAR Mathieu Dochtermann

Du 9 au 11 mars, le festival Spring programmait le spectacle Métamorphoses des compagnies Pagnozoo et Lawen. Nolwen Gehlker y utilise un mélange des arts du cirque et de l’art équestre pour camper une fable naïve tournant autour de la trajectoire d’un homme et d’une femme qui se transforment à mesure du passage du temps. Un spectacle qui mise avant tout sur l’émerveillement, et compose quelques beaux tableaux au passage.

A l’entrée du public, le premier cheval est déjà en scène : immense, avec une imposante crinière qui lui dégouline sur l’encolure, il se tient rigoureusement immobile malgré le brouhaha qui monte avec l’arrivée des spectateur.rices. A jardin, assis sur le petit pare botte qui fait le tour de la piste circulaire, un étrange personnage attend : visage grimé de blanc, les jambes couvertes de poils qui rappellent ceux des jambes du cheval, il tient ce dernier sous son regard.

Quand le noir se fait, la première image est saisissante de beauté : une douche fait tomber une lumière blafarde sur la seule croupe du cheval, qui sort de l’obscurité avec sa grande queue aux poils noirs. Soudain, une main surgit entre les crins, suivie par un bras blanc et nu. Progressivement, une femme s’extirpe d’entre les jambes postérieures du cheval qui reste stoïque. Cette scène, aussi courte que belle, est à la fois visuellement ciselée et immédiatement poétique.

Malheureusement, la suite ne tient pas entièrement les promesses de ces débuts. Du point de vue de l’image, il y aura de (très) belles choses à se mettre sous la dent : des voiles qui ondulent avec le vent de la course, une ronde du temps qui voit la femme passer symboliquement par tous les stades de sa vie à mesure que le cheval l’entraîne dans un mouvement circulaire autour de la piste… On doit admettre que les trois chevaux sont impeccablement dressés, et que leur seule présence sur la piste est en elle-même un régal. Le petit chien blanc de Nolwen Gehlker leur fait un joli pendant, tâche vibrillonnante dans des tableaux mangés par l’obscurité. Quelques tableaux mystérieux, travaillés avec des lumières parcimonieuses, apportent un doigt de poésie.

Pour le reste, on doit avouer rester sur sa faim. Nolwen Gehlker et Calou Pagnot, qui sont les voltigeur.euses de ce spectacle, ne manquent pas d’expérience et de talent, mais ils n’en donnent pas la pleine mesure dans ce spectacle où la technique est un peu en retrait. Les costumes oscillent entre le joliment réussi et l’exagéré jusqu’à l’excès – par exemple le costume d’oiseau revêtu par Calou Pagnot qui se métamorphose à la fin du spectacle en drôle de perroquet bariolé. La musique est assez anecdotique, très illustrative.

Et puis, sur le fond, l’histoire est archétypale au point d’être caricaturale… Passée cette belle scène où la femme traverse les âges de sa vie à mesure qu’elle tourne autour de la piste, on a droit à l’histoire parallèle et complètement convenue d’un homme et d’une femme qui finissent par se rencontrer et par s’aimer sur le dos d’un cheval. On ne sait trop où et comment ils cheminent, on ne comprend pas leurs enjeux, à part le fait que l’homme semble venir d’un environnement urbain où sa vie de cadre avec attaché-case et imperméable réglementaires le rendait très peu heureux. C’est gentil et classique, mais cela communique des représentations plutôt univoques et normées aux enfants, et cela ne fournit que peu de matière à brasser aux adultes.

Si on ne boude pas le plaisir de prendre ce qu’il y a à prendre – et il y a matière – on retiendra les belles images, la présence évidente des animaux en piste, la mise en lumière très réussie de l’ensemble, la belle énergie qui se dégage des interprètes. Ce qui est déjà beaucoup !

Si on cherche l’occasion d’attraper ce spectacle sur les routes, on peut le voir :
› 30 mars au 1 er avril Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul (70)
› 16-17 Novembre Théâtre de Vannes

GENERIQUE

Porteuse de projet Nolwen Gehlker
Metteuse en scène Camille Galle
Interprètes, voltigeuse et voltigeur Nolwen Gehlker et Calou Pagnot
Étalon Shire Victor
Étalon Clydesdale Broadsword
Étalon Espagnol El Cid
Composition musicale Nicolas Daussy
Scénographie et costumes Léa Gadbois Lamer
Création lumière Bertrand Blayo
Direction technique Sylvain Vassas Cherel
Assistant chevaux Olivier Serpette

© Jean-Claude Leblanc

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Mathieu Dochtermann
Passionné de spectacle vivant, sous toutes ses formes, des théâtres de marionnettes en particulier, du cirque et des arts de la rue également, et du théâtre de comédiens encore, malgré tout. Pratique le clown, un peu, le conte, encore plus, le théâtre, toujours, le rire, souvent. Critère central d'un bon spectacle: celui qui émeut, qui touche la chose sensible au fond de la poitrine. Le reste, c'est du bavardage. Facebook: https://www.facebook.com/matdochtermann

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