Théâtre
“Metamorphosis” de David Bobee : Ovide à la casse

“Metamorphosis” de David Bobee : Ovide à la casse

25 March 2014 | PAR Christophe Candoni

Voir débarquer à Paris l’avant-garde moscovite représentée par les jeunes comédiens du Studio 7 du théâtre d’art de Moscou avec pas moins de trois spectacles à l’affiche ce mois-ci, promettait sacrément de déménager… Pourtant, ni le puéril Songe d’une nuit d’été mis en scène par Kirill Serebrennikov ni l’adaptation poussive et ennuyeuse des Métamorphoses d’Ovide par son collaborateur et complice David Bobee, tous deux vus à Chaillot, n’ont secoué et encore moins conquis. Malgré son spectaculaire décor post-apocalyptique, Métamorphosis voit échouer ses signataires à rendre les divinités mythologiques nos contemporains.

C’est dans un spectaculaire chaos de carcasses de voitures calcinées et broyées, de papiers et de déchets qui jonchent le sol, de jets de fumée qui trouent l’obscurité, que David Bobee plonge son adaptation des canoniques Métamorphoses d’Ovide. Ce gros mais beau décor sert de refuge comme de lieu de drague ou de baston à une petite communauté nocturne et marginale dont les membres apparaissent en meute, en clan, puis se meuvent, rampent, escaladent avec une sorte d’animalité de loup ou d’insecte. Ces silhouettes sombres ne sont autres qu’Ovide lui-même représenté en SDF tenant une pancarte en carton, Orphée et Eurydice, Dédale et Icare, Midas, Jupiter, Pygmalion… qui prennent vie à la dérive dans ce cadre sordide et dévasté.

Les comédiens russes qui les interprètent ont tout pour séduire et épater : une beauté sensuelle,  une jeunesse insolente, une irréductible énergie follement tapageuse, une force de protestation rageuse. Ils osent tout ou presque, quitte même à frôler l’excès et le ridicule à l’occasion de mouvements de groupe chorégraphiés. Avec un goût certain pour la transgression et le sacrilège, ils se déshabillent, se maculent de peinture noire et de faux sang. C’est peut-être jubilatoire mais totalement vain tant ils sont éloignés de la radicalité attendue. Les jeunes femmes semblent en retrait dans le jeu, les hommes plus en relief quand ils font les mauvais garçons.  Ils hurlent aussi beaucoup, bien souvent sur une musique déjà envahissante. C’est donc souvent trop volontaire et finalement peu expressif.

Le problème vient de l’incapacité du spectacle à susciter plus que quelques images fortes et surtout à pénétrer le sens profond du classique d’Ovide. Car la lecture et la mise en scène des Métamorphoses que propose David Bobee ne renouvellent en rien l’approche du texte dont les épisodes s’enchaînent d’une manière littérale, sans retouche, sans différenciation les uns des autres, pour apparaître tous dits et représentés de la même manière. Les longs moments de narration n’ont pas la puissance d’évocation qu’il leur faudrait. C’est bien le manque de consistance qui fait défaut au spectacle.

Photo © Alex Yocu

 

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One thought on ““Metamorphosis” de David Bobee : Ovide à la casse”

Commentaire(s)

  • Bobée D.

    Je me demande parfois ce qui pousse quelqu’un qui ne comprend pas ce qu’il voit à écrire. Comprenez moi bien cette fois, mon problème avec votre texte n’est pas que vous n’aimiez pas, là n’est pas mon affaire, c’est que le propos du spectacle vous échappe complètement. Vous faites l’économie de toute pensée critique, de toute intelligence de ce que vous voyez, ressentez en vous justifiant par le décret autoritaire d’un manque de consistance. Il y aurait (en bien ou en mal) tant à dire. Tant à construire. Cela me désole. Ayez une plus haute exigence de vous même pour vous livrer à un exercice critique ; appréciez ou non mon spectacle mais dans tous les cas, un peu de respect, ne me réduisez pas.

    March 26, 2014 at 12 h 51 min

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