Musique
Wozzeck à la MC93, une étonnante adaptation de David Marton

Wozzeck à la MC93, une étonnante adaptation de David Marton

30 March 2011 | PAR Christophe Candoni

Entièrement conquis par l’inventivité et la beauté de Harmonia cælestis, le premier spectacle de David Marton présenté cette saison à la MC93 dans le cadre du Festival Le Standard Idéal, on attendait beaucoup de son Wozzeck donné cette semaine également à Bobigny. Le jeune et talentueux metteur en scène (d’origine hongroise mais il vit et travaille à Berlin) s’empare du personnage mythique de Woyzeck et en signe une adaptation resserrée très singulière. Le spectacle ne manque pas d’intérêt tant il intrigue mais reste un poil décevant.

David Marton s’est déjà emparé de “Don Giovanni”, de “Lulu”, et maintenant de “Wozzeck” pour lesquels il met au service sa formation de musicien et de chef d’orchestre et son goût d’un théâtre mélangé et jamais consensuel dans la lignée de Marthaler et de Castorf. Force est de constater qu’il s’approprie des œuvres aussi importantes et déterminantes avec une liberté sidérante. Ici, il convoque à la fois le texte de la pièce de Büchner et l’opéra de Berg mais il prend aussitôt ses distances, bouscule mots et musique pour réaliser un spectacle dont il est le véritable auteur, le créateur génial d’un langage inédit au théâtre, faible en mots, seules résistent quelques bribes de répliques de la pièce d’origine qui sonnent et fracassent au cours de la représentation, et surtout éminemment musical, aux sonorités brassées, un mélange de classique, de jazz, d’électro jusqu’à la saturation. La musique y joue un rôle expressif essentiel car elle traduit l’impossible harmonie entre les personnages, leur incommunicabilité, et c’est très fort. Sinon, le résultat, brut et parfois sophistiqué repose sur la répétition (des postures, des dialogues) et sur un jeu d’écho entre les scènes.

Il est quand même regrettable de voir l’intrigue réduite à ses rudiments. Il n’en reste que le conflit central, la tragédie que vit le couple : l’infidélité de Marie (mais le Tambour-major n’apparaît pas) découverte par une paire de boucles d’oreilles qu’elle prétexte avoir trouvé par terre et puis son assassinat par Wozzeck jaloux. Ils sont trois sur scènes, un pianiste, une chanteuse et un acteur, admirables dans le travail qu’ils accomplissent sur la voix, sur le corps : Yelena Kuljic interprète une Marie séduisante (« belle comme le pêché ») dans des robes du soir rouge ou noir, Max Hopp est un Wozzeck blessé, physique, tout de rage et de nerfs. On parvient à retrouver l’atmosphère violente, glauque de l’œuvre même transposée ainsi. Une double scénographie contemporaine plonge le drame dans un studio d’enregistrement (des claviers, quelques machines, des casques et des micros), lui-même intégré dans un espace qui rappelle le cabaret, la scène est rendue visible par un rideau pailleté façon music-hall qui s’ouvre et se ferme et un podium mange l’espace des spectateurs. Au fond, un mur vitré sépare les protagonistes, montre l’isolement et la solitude de Wozzeck tombé dans une rage qui s’apparente à un degré extrême de folie. Le meurtre final est sublime et percutant alors que la pièce souffre d’un manque de fulgurance que requiert pourtant un format aussi court.

 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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