Musique
Michel Fau, vraie Diva

Michel Fau, vraie Diva

28 April 2012 | PAR Christophe Candoni

Revoilà Michel Fau travesti dans sa longue robe pailletée et en perruque brune. Il reprend à Marigny son « Récital emphatique » créé cet hiver aux Bouffes du nord (voir ICI). Le show est léger, imparfait mais réjouissant. L’acteur s’amuse et divertit en singeant avec humour la diva lyrique comme la tragédienne ronflante. Michel Fau choisit la dérision pour mieux déclarer son amour du théâtre et de l’opéra. Il est pour cela remarquablement accompagné par le pianiste Matthieu El Fassi.

En ouverture, Michel Fau pioche dans un répertoire sinon mal aimé en tout cas quelque peu délaissé, celui de l’opéra français du 19e siècle avec « Mon cœur s’ouvre à ta voix » tiré de Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns et un « réponds à ma tendresse » restitué à plein poumons et gorge déployée. L’ occasion est bonne de se laisser aller à une danse fantaisiste sur les motifs orientalisants de la célèbre Bacchanale pour laquelle il arbore une « robe-papillon » et agite volants colorés et bracelets étincelants. Avouons-le, Michel Fau n’est pas danseur ni même chanteur et l’exercice est complexe. Il martyrise de somptueux airs mais avec une délectation follement communicative qu’on lui pardonne aussitôt son mal canto.

Michel Fau est une prima donna presque pas caricaturale tant le mimétisme est confondant et drolatique. L’attitude et les mimiques de la chanteuse lyrique en récital sont poussées jusqu’au point culminant : le cérémonial des saluts, interminable. Grands yeux roucoulants, mains sur le cœur, genoux au sol, mine outrageusement affecté, c’est irrésistible. Tout autant savoureux sont quelques moments clé du spectacle comme sa reprise du célèbre monologue de Phèdre « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue… ». L’alexandrin racinien devient matière à rire d’un sketch qui repose sur une variation schématique à partir de différentes écoles d’acteur, de la déclamation classique à la désinvolture formelle et maniérée plus actuelle. On croit reconnaître quelques actrices imitées. Gageons que Fau se positionne là aussi entre la boutade et la célébration. Michel Fau parodie au énième degré l’aventureuse reconstitution linguistique du parlé du 17e siècle telle que la réalisent sciemment et sérieusement, eux, des artistes de la trempe de Benjamin Lazare tout comme il se moque des textes contemporains pseudo-intello-chiants en s’appuyant sur un écrit de Roland Menou intitulé « Mékong B4 » inspiré de Duras.

Il y a dans sa composition autant de Sarah Bernardt que de la Maillan. Michel Fau assume et défend son anticonformisme, refuse toutes les modes et les étiquettes, mélange sans ménagement élitisme et trivialité. Il étonne et séduit avec un art de la scène gourmand et généreux, un brin nostalgique peut-être, une exubérante clownerie qui prend beaucoup de place tandis que la grâce fait défaut à son personnage. Les bis qu’il propose sont pour le moins inattendus. Des tubes classiques ou jazzy côtoient des chansons de variété (« Comme un ouragan » ou un récent opus de la jeune chanteuse Zaz entre autres surprises). Pour son bonheur, le public se tord de rire face à une leçon de cabotinage parfaitement maîtrisée.

 

 

 

 

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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