[Live report] Ibeyi au Trianon
C’est dans un Trianon complet depuis des mois que s’est produit le concert parisien des phénomènes Ibeyi. Une heure pleine d’énergie et de chants et rythmes venus d’ailleurs, et de si proche pourtant.
Le Britannique Martin Luke Brown, béret aplati sur la tête et chemise bariolée assure la première partie, seul, entre clavier et guitare. Le public apprécie et devient son backing band et sa rythmique, aux mains, quand il l’entraine dans sa dernière chanson et soutient sa voix frôlant les aigües.
Un show épuré, quelque peu commun. Et toujours ce plaisir que créent les concerts parisiens pour les artistes dont c’est la première tournée internationale. Plaisir qu’il achève en sortant littéralement de la lumière, avant de saluer, retirant son béret et faisant apparaître une chevelure hirsute.
Le public attend patiemment le phénomène qui se prépare à entrer sur scène. Et la chevelure fournie des jumelles parisiennes d’Ibeyi, Lisa-Kainde et Naomi. Un grand « Ah » suivi d’un tonnerre d’applaudissement fait trembler la salle à leur apparition. Les deux soeurs haranguent la foule puis se regardent, chantent à capella leur belle intro puis se tournent pour finir, droites, face au public. La symétrie de leurs vêtements et la dissymétrie de leurs coiffes, afro massive pour l’une et cheveux longs chapeautés pour l’autre et les colliers de tailles différentes donnent un effet parfait.
Sur l’écran géant qui nappe le mur derrière eux, des animations en pointillés qui ne cesseront d’accompagner la magie de leur musique. Des visages qui se confondent, des bouts de corps, des forêts et des souterrains urbains, des gués que l’on franchit avec elles. Leur installation tient sur 10m2, composée de boîtes à rythmes et samples de voix d’hommes passées au filtre du transistor à la Wax Taylor et instruments de percussions. A plusieurs reprises, elles feront jeu de leurs doigts et torses comme percussions corporelles. Les voix de Lisa et Naomi, tantôt rappelant la fragilité crystalline de Björk, tantôt la force et le groove de Lauryn Hill, font vibrer la salle. Par moments, on se surprend à penser étrangement aux White Stripes, à la fois chacun dans son rôle, sa différence et, en même temps, sans cesse dans la fusion, l’unité.
Elles sont deux mais un troisième personnage fait son apparition rapidement, le Yoruba, langue nigéro-congolaise qu’ont continué de parler leurs ancêtres paternel issus des vagues de déportation d’esclaves vers Cuba. « On a grandi en écoutant les chants yoruba et c’est en partie ce que l’on veut partager avec vous ce soir » annoncent-elles.
Des chansons hommage à leur sœur Yarima, à leur père le percussionniste cubain Anga Diaz, membre du groupe Buena Vista Social Club se succèdent avec la même émotion et une virtuosité certaine. Une virtuosité naturelle, celle de deux êtres créés ensemble et qui créént ensemble.
Le public les accompagne avec une grande ferveur sur « On My Way » et découvre sagement quelques nouvelles chansons dont « Fly ». Et explose pour leur final du célèbre « Go To River », repris une seconde fois en bis. Magistral. Ibeyi, ce sont des origines, et aussi le désir de transmettre les musiques qu’elles aiment, du folklore yoruba et ses dieux à leur interprétation d’un titre du DJ Jay Electronica et du désormais célèbre « Watch Me (Whip/Nae Nae) » de Silentó.
Enfin, c’est un retour à leur essence, par une « chanson pour tous les jumeaux », les Ibeyi, car c’est de cela dont il s’agit, en yoruba toujours. Et toujours a cappella. Pour une finir par une salve de remerciements à leurs équipes et au public, un “Merci !”, sec et jeté. D’une seule voix.
Visuel : (c) DR