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Live-Report’: encore un concert en dents de scie pour l’Orchestre National de France

Live-Report’: encore un concert en dents de scie pour l’Orchestre National de France

10 November 2012 | PAR Marie Charlotte Mallard

Jeudi soir l’Orchestre National de France donnait son troisième concert du cycle Beethoven. Ce soir-là étaient interprétées les 4ème et 5ème symphonies du compositeur allemand, ainsi qu’une composition de Guillaume Connesson, Flammenschrift. Après avoir eu de bonnes et de mauvaises surprises lors des précédentes représentations, on espérait enfin pouvoir assister à une prestation pleinement aboutie.

En choisissant d’établir un cycle Beethoven et de représenter chacune des symphonies, il s’agissait pour Daniele Gatti et l’orchestre national de France de montrer qu’il n’y avait pas que la 5ème, L’héroïque (3ème), La pastorale (6ème) ou la 9ème symphonie qui vaille le coup d’être écoutées. Pourtant, au fur et à mesure des concerts, force est de constater que l’orchestre comme le chef ne font pas preuve de la même implication selon la place de l’œuvre au sein du répertoire comme dans l’idée du public.

Aussi on ne sait que dire de la première partie du concert et de l’interprétation désastreuse de la 4ème symphonie de Beethoven qui plus que décevante fut d’un ennui mortel. Le caractère de cette partition est vif, gai, brillant, rêverie et fraicheur déterminent particulièrement l’ambiance générale de l’œuvre, entièrement consacrée à la joie et à la félicité. Malheureusement rien de tout cela n’est ressorti dans l’interprétation approximative, nonchalante et monotone de l’ONF. Dès le départ, on est atterré pour ne pas dire effaré de voir que la première attaque aux cordes n’est ni en place, ni ensemble, un manque de synchronisation tant au sein du pupitre de cordes que pour l’ensemble de l’orchestre qui durera tout au long de l’exécution de la symphonie. Pas un seul départ correct à chaque début de mouvement, des musiciens hésitants, tatillonnants, paraissant constamment marcher sur des œufs, aucune finesse, aucun amusement, aucune joie, tant est si bien que dans le public on constate bâillements intempestifs et luttes difficiles contre la somnolence. Après une telle entrée en matière, on a bien évidemment peur pour la suite.

Fort heureusement, la création de Guillaume Conesson, Flammenschrift (Lettre de Feu), furieuse et explosive, réveille et enflamme l’auditoire. Là, dans ce répertoire nouveau et contemporain l’implication de l’orchestre comme de son chef est totale, entière et fait enfin plaisir à voir. Désireux d’évoquer le côté misanthrope de Beethoven, l’œuvre présente beaucoup de caractère. Frénétique, colérique, brulante et enragée, elle évoque à travers sa violence, sa férocité et sa brutalité la 5ème symphonie. Exigeante, l’œuvre sollicite beaucoup de tous les instrumentistes tant au niveau de la vélocité que de l’intensité. Aussi, son exécution rigoureuse et impliquée par l’ONF nous ravit autant qu’elle nous rassure. Le contraste entre l’exécution de la 4ème symphonie et celle de la création est gigantesque, l’orchestre fait enfin preuve de concentration, semble s’être réveillé et s’anime enfin. La dernière note est à peine posée que l’on entend fuser des bravos approbateurs du public qui, enthousiaste applaudit à tout va. Le compositeur sera d’ailleurs rappelé deux fois sur scène pour saluer, de même la seconde réalisation après l’entracte recevra le même accueil fougueux et chaleureux.

Rendue populaire par le célèbre blockbuster au Saint-Bernard, emblématique par ces quatre accords initiaux, considérée comme une des œuvres les plus audacieuses de son temps, la 5ème symphonie était tout comme la 6ème au dernier concert, très attendue. Dès les premiers accords l’on sent le maestro comme l’orchestre bien plus habités qu’au début du concert. Gatti se montre précautionneux quant au tempo que l’on sent modéré et réfléchi, aussi magnifie-t-il le suspense qui détermine le premier mouvement autant que le côté martial du second mouvement. De sa main droite et de par sa gestuelle corporelle on le sent plus qu’attentif et exigeant face aux nuances, désireux de sublimer les contrastes de l’œuvre. Aussi assiste-t-on à de magnifiques et monumentaux mouvements de crescendo / decrescendo exaltant, l’ampleur, la grandeur et l’intensité de la symphonie. Dans le troisième mouvement Gatti fait monter petit à petit la tension jusqu’à l’éclatant final. On salue là la prestation des cors, bien plus précis que lors du précédent concert, brillant, impérieux, puissant, faisant davantage ressortir tout le côté impétueux de l’œuvre de Beethoven.

Malgré l’appréhension, on est donc agréablement surpris par cette 5ème symphonie. Le public applaudira à tout rompre et rappellera Gatti par cinq fois sur scène. Néanmoins, l’on reste déçu et interrogatif quant au comportement général de l’orchestre national de France. En effet après trois concerts, l’on ne peut se détacher de l’impression que les musiciens tendent à ne porter que peu de soin lorsque le répertoire est moins connu et attendu. Alors qu’ils auraient pu nous montrer que bien que considérées comme moins importantes, les symphonies 1, 2, 4 valaient la peine d’être interprétées et n’étaient pas dénuées d’intérêt. L’orchestre s’est contenté de les jouer mollement et sans conviction, comme pour se chauffer avant de célébrer les plus appréciées. Un comportement qui révèle malheureusement un manque cruel d’éthique.

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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