Musique
Jean-Michel Dupas : « Varier et innover, modeler les choses, sont plus faciles au Printemps Bourges que dans les Grands Festivals d’été »

Jean-Michel Dupas : « Varier et innover, modeler les choses, sont plus faciles au Printemps Bourges que dans les Grands Festivals d’été »

29 January 2020 | PAR Yaël Hirsch

Alors que la programmation de la 44e édition du Printemps de Bourges qui aura lieu du 21 au 26 avril prochain vient de tomber, que les concerts des auditions régionales des Inouïs, premier dispositif national de repérage de nouveaux (28 antennes territoriales, plus de 350 professionnels) se terminent pour laisser place à la sélection nationale et qu’au moins 4 créations sont à l’affiche du Festival, le programmateur du Printemps de Bourges, Jean-Michel Dupas a répondu à nos questions sur les concerts de 2020.

 

L’affiche de cette édition 2020 est impressionnante : M, Catherine Ringer, Alain Souchon, Philippe Katerine, M Pokora, Brigitte Fontaine, Miossec… Et ils semblent venir même hors de leurs projets de tournée.
C’est sans doute lié à l’ancienneté et l’assise du festival. Le Printemps de Bourges continue à avoir une image assez jeune, aussi, malgré son vieil âge. Nous sommes très actifs sur l’émergence et sur la création et cela résonne de manière positive dans la tête d’une majorité d’artiste. Je crois que le Printemps de Bourges reste important pour un artiste confirmé. Enfin, les formats que nous proposons tranchent avec les Festivals d’étés et leurs parterres en plein air de 25 ou 30 000 spectateurs. Nos plus grandes salles réunissent 8 000, les plus petites 150. Varier et innover, modeler les choses, sont plus faciles à Bourges que de placer une succession d’artistes dans un champ.

Alors que des grands classiques se succèdent sous la grande de tente du W toute la semaine (M, Catherine Ringer, Alain Souchon, Izia, Philippe Katerine…. Le samedi semble en soirée plus pop et électro (Suzanne, Lorenzon Romeo Elvis, Bon Entendeur).
Avec les Pass Week-end, nous pensons toujours à une programmation de deux jours qui attirerait le public à Bourges pour venir y passer le vendredi et le samedi. Nous avons vraiment une volonté de mélanger les styles en deux soirées équilibrées. Mais il est peut-être vrai qu’au W, le vendredi cible mieux les 25-40 ans et que le samedi, y compris de nuit, soir axé sur les 15-30 ans. .

Le Printemps de Bourges célèbre le centenaire de la naissance de Boris Vian. Quelle forme prend cet hommage ?
Nous ne voulions pas faire quelque chose de traditionnel sur Boris Vian. Nous voulions vraiment dépoussiérer le personnage. Nous avons donc décidé d’aller voir trois jeunes artistes qui viennent du milieu urbain, Aura, Songe et Tracy de Sa, qui pour la plupart le connaissaient et étaient marquées par Vian l’écrivain, mais qui ne connaissaient pas très bien son répertoire comme musicien. Nous l’avons fait avec la bénédiction de Françoise Canetti qui est la fille de Jacques Canetti, le découvreur de talent et créateur de la maison de disque qui a suivi et continue de gérer le catalogue de Boris Vian. Françoise connaissait les trois artistes choisies car elle suit les Inouïs, qui est la section tremplin du Printemps de Bourges et elle est ravie de ce virage autour de la musique de Boris Vian. .

Il y a aussi de nombreuses créations : Jeanne Added dans Prince, un hommage aux 25 ans de l’album « Dummy Glory» de Portishead orchestré par Uèle Lamore et Yann Wagner… Pouvez-vous nous en parler ?
Pour Prince, cela fait trois ans que nous avons envie de mettre en place cet hommage avec Jeanne Added. Mais son emploi du temps était fou. Cette année, elle avait un petit créneau et nous avons bondi sur l’occasion. Ce sera dépouillé et atypique, avec Jeanne Added au chant, accompagnée par un pianiste. Nous aimons aussi mêler les univers : une création est prévue entre un musicien de musique électro et un rappeur, où le premier prend ses compositions instrumentales et le deuxième apporte les textes et ils vont jouer live.

Pour l’hommage à Portishead à la Cathédrale, avec déjà annoncés Lou Doillon, Sandra Nkaké et Emily Jane White et Malik Djoudi. Est-ce une manière de créer sans inviter Portshead ? Vous nous parliez il y a deux ans de la difficulté de faire venir des grands têtes d’affiche américaines (lire notre article)…

Si c’est le cas, c’est un peu inconscient. Mais ce que je vous ai dit reste vrai : financièrement nous ne sommes plus capables de faire venir des grandes têtes d’affiche anglo-saxonnes qui se concentrent sur les festivals d’été où elles peuvent avoir de très gros cachets. Nous devons faire avec cette économie-là. Avec des budgets plus légers, je crois que nous pouvons proposer des programmations, qui en termes de création et d’imagination, sont de vrais challenges. Pour l’hommage à Portishead, Glory Dummy est un album culte – pour le public mais aussi pour beaucoup de musiciens. C’est un disque à part dans le monde de la musique. Nous n’avons pas voulu faire quelque chose de cérémonial ou patrimonial et c’est pour cela que nous sommes allés chercher des jeunes gens qu’on ne voit pas souvent dans les créations. Et puis, nous avons aussi des artistes internationaux grâce au fait que le Printemps soit un lieu de création et de repérages de talents. Le jeudi soir, 23 avril sur la scène du 22, nous avons organisé une des plus beau plateaux rocks de l’année. Avec Ezra Furman, Life, Egytian Blue, Dray Cleaning, Working Men’s Club et Last Train. Autre création, Rap 2 Filles, avec le label la souterraine et le « marrainage » de Casey permettra de découvrir 5 rappeuses totalement émergentes. Certaines travaillent à l’usine, d’autres sont en ligue 1 de foot, elles sont loin d’être professionnelles mais la scène rap Hip Hop féminine a beaucoup de mal à exister et nous voulons lui donner de la visibilité. Au printemps de Bourges, nous comptons cette année 103 artistes, dont 40 % d’artistes féminines et 5 % de projets mixtes.

Et parmi les artistes qui reviennent cette année, l’on remarque une douzaine d’anciens « Inouïs » : Aloise Sauvage, Jeanne Cherhal, Malik Djoudi, mauvais œil, Songe, Tracy de Sa… C’est souvent le cas que les Inouïs reviennent ?
Nous ne construisons pas la grille de programmation en pensant aux anciens Inouïs. C’est à la fin, une fois que nous avons a fini notre programme que nous nous rendons compte qu’il y a entre 10 et 15 Inouïs. Cela veut dire que le dispositif de ce tremplin est bon. Depuis trois ou quatre ans, il se dirige vers des projets de plus en plus jeunes et plusieurs groupes qui ont fait partie de ce dispositif ont explosé.

visuel : affiche du Festival 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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