Jazz
L’impétuosité pianistique selon Jacky Terrasson

L’impétuosité pianistique selon Jacky Terrasson

03 October 2022 | PAR Geraldine Elbaz

Le 30 septembre dernier, le Bal Blomet mettait à l’honneur l’ardent Jacky Terrasson, seul sur scène avec son piano. Une soirée événement sous le signe de la fougue et de la virtuosité. 

Que vous soyez connaisseur ou non, que vous aimiez le jazz ou pas, quelle que soit votre sensibilité musicale, une chose est sûre : vous ne pouvez pas rester indifférent au jeu de Jacky Terrasson. Pianiste ultra-sensible à la technique redoutable et aux improvisations flamboyantes, il est de ceux qui vous harponnent avec juste deux notes, alors imaginez le résultat quand les accords et la rythmique s’en mêlent.

Retour sur un parcours hors normes  

Jacky Terrasson débute le piano à 5 ans. Il compose dès l’âge de 6 ans. Pendant son adolescence, il s’initie au jazz avec Jeff Gardner et Francis Paudras. En 1984, il intègre la fameuse école de musique de Boston, le Berklee College of Music. À cette époque, il se produit régulièrement dans des clubs locaux puis à Chicago et à New York. En 1993, il est lauréat du prestigieux concours Thelonious Monk. Il rencontre alors Betty Carter, qu’il va accompagner en tournée mondiale pendant près d’un an. 

Après avoir signé avec le label Blue Note, il enchaîne les albums (Jacky Terrasson, Reach, À Paris, Smile, Mirror…) En 1995, le New York Times annonce qu’il fait partie des 30 artistes susceptibles de changer la culture américaine des 30 prochaines années. Il se produit dans le monde entier sous diverses formations et offre à son public une musique réinventée en permanence. Ses reprises formidables et ses compositions inspirées le propulsent parmi les meilleurs de la scène jazz avec des prix à la clé (Prix Django-Reinhardt, double Django d’or et Victoires du jazz…). 

Un concert tonitruant

Pour la dernière soirée du mois de septembre 2022, le Bal Blomet proposait donc un concert dédié exclusivement au piano dans l’art du jazz avec Jacky Terrasson en figure de proue. Complet depuis des semaines, le club de jazz du XVè arrondissement de Paris, aux allures de loft new-yorkais avec ses murs de briques rouges et ses hautes charpentes métalliques, est rempli à craquer.

Le pianiste s’installe, salue son public et commence à jouer. Les premiers accords sont doux et mélodieux. Un portable émet une sonnerie dans le public ? Le piano répond,  comme un écho artistique, provoquant les rires de l’auditoire. Les mains du pianiste s’agitent alors et les graves retentissent de plus belle. Les accords se font plus puissants. La main gauche devient orageuse, presque wagnérienne. La main droite accélère et parsème le morceau d’éclairs vifs. Les notes sont frappées fort, quelques fois sur la tranche de la main à la manière des karatékas qui cassent des briques. L’exaltation tactile du pianiste semble à son comble. Les accords astringents éclatent. On se crispe, on se heurte aux aspérités revêches et aux anfractuosités rugueuses de certaines sonorités. Bella Ciao comme vous ne l’avez jamais entendu. Le piano vrombit, la révolution est en marche.

Un jeu en effervescence permanente 

À la fois volcanique et rassérénant, déchaîné et tranquille, âpre et doux, Jacky Terrasson souffle sans transition le chaud et le froid. Il subjugue autant qu’il déconcerte. Sur scène, il s’exprime avec une sorte de fureur inextinguible. Dans un élan irrépressible, il se lève et se rassoit, son corps se contracte, convulse pratiquement. Le rythme est marqué par le pied gauche qui claque au sol avec véhémence. Il balance ses bras sur le clavier. Le piano est à sa merci et nous l’observons se jeter à corps perdu sur l’instrument. Il y a de l’inéluctable dans son jeu. Son être intrinsèque déploie un univers foisonnant et déclenche un tourbillon d’émotions. 

Au clair de la lune pour annoncer Caravan ? Pourquoi pas. Les feuilles mortes déstructurées et remodelées dans une version totalement inédite avec Mission Impossible en prime ? Qu’à cela ne tienne. Une Marseillaise revue et corrigée avec encore plus de panache ? Allons-y ! Mais n’oublions pas Mirror, rugissant et brillant ou encore Round Midnight, féroce et sublime. Si le terrain de jeu de Jacky Terrasson semble illimité, que nous réserve-t-il pour ses prochains concerts ?

 

Visuel : (c) GE

Jacky Terrasson

Piano Solo au Bal Blomet

Le vendredi 30 septembre 2022 

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Geraldine Elbaz
Passionnée de théâtre, de musique et de littérature, cinéphile aussi, Géraldine Elbaz est curieuse, enthousiaste et parfois… critique.

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