Musique
Humanité dramatique de La passion selon Saint Jean par Laurence Equilbey

Humanité dramatique de La passion selon Saint Jean par Laurence Equilbey

26 March 2013 | PAR Bérénice Clerc

 

Laurence Equilbey réunit l’équipe rêvée pour jouer une passion, celle de Saint Jean de Bach, l’excellent concerto Köln, le fabuleux Accentus et des solistes à leur hauteur : Johannes Weisser, Markus Schäfer, Johannes Mannov, Emiliano Gonzalez Toro, Varduhi Abrahamyan, Deborah York. Le rêve se réalise du début à la fin du concert où les bravos fusèrent longuement.

Lundi 25 mars, le printemps du calendrier sonne faux, un vent glacial s’engouffre dans la capitale et annule l’effet du soleil léger dont les parisiens auraient envie.

La salle Pleyel se gorge de spectateurs, pas un siège vide, les musiciens peuvent entrer, le chœur, les chanteurs et la chef  les rejoignent, la passion peut commencer.

Comme un appel le chœur « Herr, unser Herrscher » et les musiciens happent les spectateurs d’un son quasi parfait, exalté, dramatique, puissant et presque dansé grâce aux lignes dessinées par les cordes.

Si Laurence Equilbey avait coloré de sublime la légère Ciboulette, elle arrive à teinter Bach de légèreté profonde, le drame se vit sur l’instant, ici et maintenant la musique naît, se crée, avance, la perfection de l’interprétation permet l’apparition d’une théâtralité souvent trop rare sur les scènes classiques.

Bach a l’art de mettre les paroles en musique, l’évangile, la passion du Christ prennent une forme théâtrale, le concerto Köln libère un son finement interprété, les cordes virevoltent, les vents dansent, les couleurs sont multiples, apparaissent chaque fois différentes, brillantes, mates, puissantes, sourdes…

L’interaction chef, orchestre, chœur, solistes tisse les lignes de l’histoire, comme une toile d’Agnès Martin, Laurence Equilbey trace des lignes sur du blanc, laisse de l’espace, fait vibrer le vide puis retrace une nouvelle ligne, droite, solide, nécessaire créatrice d’un nouveau monde aussi bref soit-il. La passion selon saint Jean, la liturgie musicale est vivante, le sang humain coule en notes, les récitatifs et les chœurs transmettent leur message comme une histoire simple et fondatrice avec plusieurs épisodes terminés par un choral.

Les solistes vivent et incarnent leurs personnages, Johannes Weisser est un maître en la matière, tel un acteur de théâtre à la voix clair, velouté et caressante il chante avec élégance et donne à l’oratorio des allures d’opéra.

Le chœur, essentiel, central, partenaire de l’action sera la turba, la foule ironique, violente, Accentus brille de mille couleurs, chaque vibration, chaque souffle, chaque son est maitrisé, modelé, habité à un point tellement rare qu’il faut une nouvelle fois le souligner car il n’ont pas ou très peu de comparaison possible avec d’autres chœurs pourtant parfois hélas présentés sur les scènes des maisons dîtes grandes… !

Présence, unité, intériorité, vivacité, tout y est, Laurence Equilbey se balade, sa direction engagée et dansante fait naître une Passion selon Saint Jean de Bach loin des clichés “baroqueux”, elle incarne la musique, lui donne vie, l’anime, la fait vibrer en 2013 sans s’éloigner des désirs et des exigences de Bach.

Joie, douleur, doute, souffrances, exaltation, souffle, amour, partage, échange, la passion semble prendre les contours de la vie, l’allure des humains.

La scène culturelle française semble être en manque de femme, il n’y a évidemment pas que Laurence Equilbey, mais il y a déjà Laurence Equilbey, elle devrait, au delà de son genre, mais grâce à son talent et son travail sans relâche être sur la scène de Garnier,  Bastille et des autres lieux bien plus souvent que certains de ses « collègues » hélas sans saveur, couleur ni vibration si ce n’est celles du « copinage » peut être ? !

Les spectateurs étaient d’accord hier, les applaudissements et bravos éclatèrent dès la dernière note et la foule de Pleyel regagna le froid nocturne emplie de musique, la bouche pleine de compliments à l’égard du concert.

 

 

Visuel : (c) K.B

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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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