Classique
Festival Ma Vigne en Musique : maître de piano et quatuor de clarinettes

Festival Ma Vigne en Musique : maître de piano et quatuor de clarinettes

21 April 2019 | PAR Victoria Okada

Le Festival Ma Vigne en Musique se poursuit jusqu’au dimanche de Pâques à Narbonne et ses environs, mais revenons sur la dernière partie du 2e week-end si riche et varié.

Récital de Bruno Rigutto

B. Rigutto et C. Guillotin en jouant à quatre mains

Le samedi 13 avril à la salle des Synodes du Palais-Musée des Archevêques, Bruno Rigutto donne un récital pour la première fois à Narbonne. Elève de Samson François, de Marguerite Long, et de Jean Hubeau pour ne citer qu’eux, Bruno Rigutto est héritier de l’école française du piano qui a désormais (presque) disparu avec la mondialisation. Lauréat du prestigieux Concours Marguerite-Long à 20 ans en 1965 et l’année suivante, du Concours Tchaïkovski de Moscou, l’un des plus complets et des plus difficiles au monde et excellent pédagogue (il a longtemps formé au Conservatoire de Paris un grand nombre de pianistes devenus à leur tours connus et reconnus sur le pan international et en forme aujourd’hui à l’Ecole Normale de Musique de Paris), il apparaît désormais assez rarement sur scène ; c’était donc une grand opportunité pour les Narbonnais de pouvoir l’entendre en récital.
Son programme est construit de telle façon que l’on peut suivre en quelque sorte l’évolution de la littérature pianistique du romantisme à nos jours. Il commence par les Scènes d’enfants de Schumann, en commentant le titre de chaque pièce et son caractère. Cela détend immédiatement l’atmosphère de la salle où l’ambiance amicale et intime règne jusqu’à la fin. Ensuite, il interprète les deux Nocturnes (n° 1 et 13) et la Fantaisie de Chopin avec une merveilleuse simplicité malgré leur virtuosité exigeante. De son jeu aux doigts sûrs se dégage un romantisme avéré, et en même temps, il ne montre un seul brin de sentimentalisme. En bref, un Chopin terre à terre, dont le tronc est infiniment robuste pour que les branches et les feuilles puissent se déployer largement et librement. Cette robustesse, on la retrouve dans les Funérailles de Liszt, dans ce magma sonore bouillonnant. Puis, une petite trêve : un extrait des Préludes de Françoise Choveaux (née en 1953), infiniment français dans la veine de Debussy, une véritable peinture de la mer et de ses grondements, mais aussi de brouillards qui l’enveloppent. Bruno Rigutto joue deux fois de suite en expliquant malicieusement pourquoi il procède ainsi… Le récital se termine avec la Sonatine et Alborada del gracioso de Ravel, en tirant d’un piano feutré une belle sonorité étincelante et pétillante. Parmi les trois bis, une petite surprise : Cyril Guillotin le rejoint pour des extraits de Ma Mère l’Oye de Ravel.

Bis Repetita – à la criée !

On se déplace l’après-midi ensoleillé du dimanche 16 avril à Vinassan, château de Marmorières, aux environs de Narbonne. Dans le chai du domaine, l’air est plus que frais et deux poêles font allègrement danser leurs feux. On y assiste à un concert de la musique classique… pas très classique. Pour cause : le quatuor de clarinettes Les Anches Hantées fait crier son public ! Parmi les 8 thèmes proposés, indiqués dans le programme préalablement déposé sur des sièges, le public choisit ce qu’il veut entendre… à la criée ! Chaque « suite » est composée de quelques pièces plus ou moins courtes, habituellement jouées comme bis, à quelques exception près (tel est le cas pour l’Ouverture de Candide de Bernstein). Les règles strictes commandent le déroulement du concert, comme sa durée fixée à 1h15. Donc, même au milieu d’un morceau, à 1h15, ils s’arrêtent de jouer ! On entend, dans la suite « Les dansés », une valse de Gounod, le Ballabile de Chabrier, la Danse norvégienne de Grieg, le Funk de Guillaume Connesson, la valse de Mascarade de Khatchatourian. Dans la série « En forêt », ils introduisent un extrait du ballet Sylvia de Delibes qu’ils pourraient plutôt faire figurer dans la liste des danses, mais puisque le mot sylvia vient du latin sylva signifiant « forêt »… Ils sont futés, ces clarinettistes ! Le système de thème leur permet de jouer — et par conséquent de faire connaître — des œuvres contemporaines, dont certains ont été écrites pour eux (comme Funk de Connesson, Huit esquisses de Philippe Hersant…) Entre deux pièces, des quatre Anches Hantées expliquent tour à tour et brièvement le concept du concert, le fonctionnement de différents types d’instruments, le répertoire, la transcription et bien d’autres choses passionnantes, en lançant de temps à autres des blagues ou des remarques. Un véritable dialogue s’instaure dans la salle en un rien de temps, et le public est absolument ravi de partager cet espace de temps certes court mais ô combien convivial et inoubliable.
Bravo aux musiciens qui se relèvent à chaque concert un défi considérable : jouer un à un des bouts de morceaux qui ne forment pas un ensemble acquiert une concentration psychologique et physique que l’on imagine difficilement, contrairement à une pièce qui a une certaine durée et une construction logique sur lesquelles ils peuvent s’appuyer.
Après ce moment sympathique, les musiciens et les désormais fans des Anches Hantés poursuivent leurs échanges autour d’une dégustation de vins du domaine, un autre moment agréable.

Le Festival se termine le dimanche 21 avril avec le récital de Geoffroy Couteau dans le programme Brahms et Schubert au domaine de Gruissan, château Le Bouïs.

photos © V.O.

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Victoria Okada

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