En version rétrécie, le Festival d’Ambronay explore de nouvelles possibilités
Le Festival d’Ambronay vient de clôturer une 41e édition “Exploration” entièrement repensée pour les raisons que nous connaissons tous. L’équipe a multiplié des inventivités lors de trois week-ends compacts pour offrir un plaisir de la musique toujours renouvelé. C’est la victoire, en définitive, de l’ingéniosité de tout le personnel, notamment de Daniel Bizeray, le directeur général de Centre culturel de rencontre d’Ambronay, qui quittera sa fonction le 18 octobre prochain.
De nombreux changements ont été apportés pour s’adapter aux protocoles sanitaires : jauge à l’abbatiale réduite à 218 places au lieu de 990 en temps normal ; concerts en formule courte d’une heure sans entracte, intitulé « Barococourt », et doublés, dans l’après-midi et en soirée ; scène disposée au milieu avec le public installé à la fois dans la nef et dans le chœur ; grilles tarifaires permettant au spectateur de choisir le prix qu’il souhaite accorder, le placement étant libre et accompagné par les ouvreurs bénévoles ; investissement de la salle polyvalente pour des concerts familiaux et conférences en absence du chapiteau ; déclamation du programme par des comédiens(ne)s de la Toute Petite Compagnie pour remplacer ceux normalement imprimés (la production de ceux-ci n’était plus possible après maints changements de programmation)… Le Festival EEEmerging n’a pas eu lieu, mais un ensemble était présent chaque week-end pour des interludes musicaux afin de rythmer la journée.
Parmi les 22 rendez-vous proposés dans cette édition, les trois Leçons de ténèbres pour le Mercredi Saint de François Couperin étaient un moment particulièrement émouvant. William Christie, à l’orgue portatif, propose une version intimiste, avec deux chanteuses et une violiste des Arts Florissants. C’est d’abord la soprano Gwandoline Blondeel qui chante la Première Leçon, face aux deux instrumentalistes. Sa voix angélique résonne idéalement dans l’abbatiale ; la configuration de la scène centrale est particulièrement propice pour cet ensemble dépouillé et favorise la clarté du texte et de chaque ligne instrumentale. Ensuite c’est le tour de Rachel Redmond d’interpréter la Seconde Leçon. D’un timbre plus soutenu, elle fait un bel écho à la Première Leçon sur le plan de couleur. Élastique dans les aigus et bien ancré dans les médiums, sa voix sublime le drame de Jérusalem. Elles se joignent dans la Troisième Leçon, pour exprimer ensemble toute une gravité dramaturgique du sacré, marqué cependant par une grande tendresse. Les Lamentations de Jérémie deviennent alors un contexte pour magnifier la musique si fine et si subtile, exaltée encore davantage par la viole et l’orgue qui dialoguent parfaitement avec les chants, tout en s’échangeant entre eux. Entre les Leçons, Myriam Rignol joue en solo un prélude en ré extrait des Pièces de viole du Sieur de Machy puis la Chaconne en ré (du manuscrit de Tournus) de Jean de Sainte Colombe, d’une virtuosité sans faille et d’une musicalité hautement spirituelle. Un concert d’une rare beauté, qui rafraîchit notre âme.
Photos © Bertrand PICHENE-CCR Ambronay