42e Festival d’Ambronay « Nouvelles Suites », premier week-end #2
Le week-end d’ouverture du 42e Festival d’Ambronay était splendide, la richesse de la programmation se faisant d’emblée ressortir la grande qualité de cette édition. Voici notre second article.
Variations stylistiques
La soirée du vendredi est l’occasion de découvrir un compositeur français encore méconnu, Charles-Hubert Gervais (1671-1744). Lui aussi a vécu la même époque que Vivaldi (1678-1741). Le programme est présenté par Les Ombres comme le premier volet de leur résidence croisée entre le CCR d’Ambronay et le Centre de Musique Baroque de Versailles. Surintendant et maître de musique à la Chapelle royale sous Louis XV, Gervais a composé des œuvres vocales au style… versaillais. Dans ce concert, il s’agit de courts drames chantés, proches de l’oratorio italien. Les chanteurs sont expressifs, certainement pour montrer ce côté théâtral, mais leurs expressivités rendent souvent l’articulation et la prononciation molles. Le contre-ténor Paul Figuier s’y démarque par la clarté (nous le réentendrons avec Le Banquet Céleste le dimanche), alors que dans la Sinfonia d’A. Scarlatti, les pages avec basson sont des moments de grâce. Le chœur du Concert Spirituel excelle comme toujours, notamment dans les superbes articulations.
Le samedi en fin d’après-midi, à la Salle Polyvalente, Canticum Novum et Emmanuel Bardon offrent un voyage dans Alep ancien, l’un des centres majeurs de la musique arabo-andalouse implantée au Levant. Sur des rythmes entraînants aux instruments traditionnels tels que oud (luth), kamanja (violon), qanun (cithare) ou derbouka et daf (percussions), des mélopées à la fois vocales et instrumentales (flûtes kaval) donnent une couleur exotique dans le temps et dans l’espace. En guise de bis, toute la salle chante avec les musiciens après une séance de répétition proposée par E. Bardon.
Le dimanche matin, à l’espace Vaugelas à Maximieux, à 20 minutes en voiture d’Ambronay, le collectif de musiciens L’Arbre Canapas revisite La Conférence des oiseaux, poème soufi de Farid Al-Din Attar (XIIe siècle). Dans un décors poétique construit avec des matériaux de récupération, trois musiciens, tous polyvalents jouant plusieurs instruments et chantent, mêlent différents styles musicaux et techniques vocales pour raconter l’aventure des oiseaux à la recherche de leur roi. Un beau récit pour toute la famille qui mérite d’être vu par de nombreuses personnes.
Somptueux concert final du premier week-end par Le Banquet Céleste
Le dimanche à 17 heures, on assiste au dernier concert du week-end. Et quel concert ! Le Banquet Céleste nous emmène aux fastes de San Marco (décidément, le week-end est très vénitien !), et met en miroir deux compositeurs majeurs qui s’y succédèrent : Giovanni Gabrieli et Claudio Monteverdi. En alternant des extraits de Sacræ symphoniæ de Gabrieli (1597) et Selva morale et spirituale (1640/41), Damien Guillon, contre-ténor et fondateur du Banquet Céleste, nous montre comment l’écriture a évolué en l’espace d’un demi-siècle à peine. Il dirige depuis sa place dans le chœur et chante en même temps, exercice qui pourrait être périlleux mais il y réussit sans encombre grâce à une parfaite maîtrise de la partition. Tout au long du concert, les cornets brillent, notamment en offrant un beau dialogue avec le violon dans « Canzon primi toni » (Sacræ symphoniæ) ; le son à la fois cuivré et boisé de l’instrument confond avec certaines voix, jusqu’à ce qu’on ne les distingue plus, dans « Hodie completi sunt » (Gabrieli), que l’on réentend d’ailleurs en bis. Les deux chœurs (non spatialisés) se répondent sur la même scène ainsi que deux soprani (dans « Laudate Dominum » terzo de Monteverdi) en écho sublime ; cette notion de réponse se trouve également dans l’alternance lent/vif et des notes ornées/tenues dans « Dixit Dominus » secondo de Monteverdi à la fin du concert, magnifiquement interprétée, qui semble résumer l’esprit de ce programme.
Le festival se poursuit jusqu’au dimanche 3 octobre. Informations et réservations sur le site du Festival d’Ambronay.
Les interviews audio d’Isabelle Battioni et d’Olivier Fortin sont à venir sur notre site partenaire vivace-cantabile.com
photos © Bertrand Pichène