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Avec Tropique de la violence, Alexandre Zeff ouvre en beauté les rencontres “Les Afriques du jazz” au TCI

Avec Tropique de la violence, Alexandre Zeff ouvre en beauté les rencontres “Les Afriques du jazz” au TCI

15 September 2021 | PAR Julia Wahl

Adaptateur à la scène de l’auteur ivoirien Koffi Kwahulé, c’est désormais vers Nathacha Appanah et son Tropique de la Violence que Alexandre Zeff se tourne. Un texte riche, précis, violent et poétique, qu’il met en scène au Théâtre de la Cité internationale.

L’ambiguïté d’une île

Éminemment conscient des inégalités de nos sociétés mondialisées, Alexandre Zeff n’a de cesse, dans ses choix d’adaptation comme dans ses ateliers d’action culturelle, de rendre la parole à celles et ceux que l’on n’entend pas. C’est désormais, grâce à la découverte du merveilleux roman de Nathacha Appanah Tropique de la violence, vers Mayotte qu’il se tourne.

Mayotte, c’est un drôle de territoire : une île française, à la violence âpre, qui semble échapper à ce qui nous paraît la loi commune. Le territoire le plus pauvre de France. Mais aussi une terre promise pour les habitants des terres voisines : l’espoir pour les enfants d’y obtenir un passeport français. C’est ainsi que Moïse, arrivé sur un kwassa-kwassa, un canot de fortune, est adopté par Marie, une infirmière blanche. Élevé comme un enfant blanc, il rêve des gangs qui dominent “Gaza”, le bidonville le plus dur de Mayotte. Aussi se laisse-t-il happer par “Bruce”, caïd qui doit son nom à sa passion pour Batman.

Mettre en scène la violence

Viols, meurtres… Le pari d’Alexandre Zeff était de rendre compte de la violence du roman et il y est parfaitement arrivé. Une musique syncopée, une lumière rouge hallucinogène, des acteurs imposants et, surtout, un jeu sur les espaces et les échelles qui rendent palpables les terribles rapports de force. Ainsi en est-il de ce moment où le visage de Bruce (époustouflant Mexianu Medenou), projeté face au spectateur, toise de ses bons trois mètres de haut le pauvre Moïse, joué par un Alexis Tieno extraordinairement touchant.

La violence et la haine. C’est bien ce couple magique qui est sur tous les visages et qui corrompt les murs même de la salle du TCI. Aussi faut-il ici rendre justice, outre le talent d’Alexandre Zeff, à celui de ses acolytes Benjamin Gabrié (scénographe) et Muriel Habrard (vidéaste), qui servent le propos avec passion. Véritable travail d’équipe, la pièce nous embarque en quelques secondes pour un dangereux périple vers cette île maudite.

Un week-end africain

Passionné d’Afrique, Alexandre Zeff avait auparavant adapté Jaz et (2018) et Big shot (2016), de Koffi Kwahulé. Des mises en scène qui, comme Tropique de la violence, accordaient une large place à la scénographie, mais aussi au son et la musique. Aussi les représentations de cette semaine annoncent-elles la huitième édition du colloque “Esthétique(s) jazz : la scène et les images”, organisé par l’université de la Sorbonne nouvelle et consacré cette année à Manu Dibango.

Intitulé “Les Afriques du jazz”, le colloque réunira les 17 et 18 septembre des universitaires comme Sylvie Chalaye, qui en est l’instigatrice, mais aussi des artistes comme Damien Barcelona. Outre une “Table de dissection” où Alexandre Zeff échangera avec Mohamed Kacimi et Gabriel Garran (le 18 septembre à 11h45) et des tables rondes, le TCI accueillera une “table de visionnage” de Congo jazz et un hommage à Manu Dibango alternant concerts, lectures, films et témoignages…

 

Informations pratiques

 

Tropiques de la violence

Au TCI, jusqu’au 24 septembre – au Théâtre Romain Rolland de Villejuif le 9 octobre – à l’EMC de Saint-Michel-sur-Orge le 9 novembre

Durée : 1h25

Les Afriques du jazz

Du vendredi 17 septembre au samedi 18 septembre, Théâtre de la Cité internationale. Informations ici.

 

Visuel : Victor Tonelli

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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