Musique
Dans l’absinthe de la rue de la Brèche

Dans l’absinthe de la rue de la Brèche

11 September 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

C’est l’histoire de deux gars dans une baraque. Une baraque comme on n’en fait plus, bouffée par le soleil et le mistral. Il y une terrasse avec une vue sur Avignon. Cette rencontre a eu lieu cet été, à l’abri de la folie festivalière, sur la Brèche.

Depuis trois ans “Jeff” et Pascal jouent ensemble. Un peu comme ça, par plaisir brut, et puis cela devient sérieux, les cd s’amoncellent, les fans sur Facebook aussi. Ils sont sur la brèche, c’est le temps de basculer. Pro or not ? Jean-François est homme d’affaires à la ville option philosophie, Pascal jardine, pour les gens du coin, magicien de la terre. Tous les deux sont passionnés. Pascal fait de la musique depuis 25 ans. Son emploi du temps malléable et son métier laissent “libre court” à son “imagination”, mais son “métier de passion est la musique.” Il travaille des rythmes multiples qui passent du funk, de la Batucada, aux rythmes brésiliens. Pour Jean-François le lien est évident entre le jardin et la musique, d’ailleurs, dans leur musique il y a des écorces. Il raconte “J’ai arrêté de faire de la musique en 2002, en tout cas au conscient, quand il fallut que ça sorte, c’est allé vite.”

Pascal joue de la la batterie, des bongos, des tubes, des écorces, Jean-François ajoute “des bouteilles de champagne” et Pascal ajoute : “et d’autres instruments qui arriveront avec le temps”. “Nos répétitions sont plutôt éloignées. L’imagination ne vient pas spontanément. Si il y avait plus de suivi, on ferait entrer d’autres choses.”Il se fait contredire : “à la fois ce qui est intéressant c’est que chacun cherche de son côté puis on se voit. En fait ce n’est pas vraiment des répétitions, ce sont des concerts seuls, dans les conditions du direct. Il n’y a pas de sucre ajouté comme on dirait en Champagne. On fait des live-répétitions”

Sur la brèche, deux visions d’un duo guitare-batterie qui sonne rock, qui sature, qui frissonne, qui poétise. La pile produite est immense pour eux qui se considèrent encore amateurs alors que leur son est déjà professionnel. Ils restent sur la brèche, pas facile de passer le cap Jean-François dit “j’ai envie que pas mal de gens nous écoute déjà”, et Pascal “sur scène on ne peut pas arriver comme ça. Ici, on est frivole, on peut se permettre des imperfections”. Ils s’approchent du ravin.

Jean-François “les gens qui nous écoutent aiment que ce ne soit pas lisse. Pour le moment, on ne vend pas nos cd, si quelqu’un en veut un, on lui envoie. Il y a des morceaux qui reviennent, on a la culture du live, on aime avoir des réactions.”

Leur son, ils le puisent dans leur vie. Un souvenir cela donne R.A, leur tube absolu qui commence par les bruits de Pascal qui tape à la lourde porte en bois avant d’aller s’asseoir à la batterie. Il y a le romantisme du batteur qui d’une lutte à mort entre un chat et un écureuil fait surgir toute son âme des rythmes. Leur son, ils le puisent dans leurs affinités : Jean-François “on s’est rencontrés grâce à Zappa. Son esprit plane sur la rue de La Brèche. C’est rare que les deux seuls habitants d’une même rue aiment la même chose. Je viens du rock et du hard rock, le jazz m’a rattrapé. Pascal : moi je viens du funk, du jazz, du reggae. La palette de couleurs. On les prend toutes, on s’échange les groupes.”

On vous l’avait caché, Rue de la Brèche, c’est le nom du groupe, c’est la rue distordue, pavée et à flanc de roche où les deux gars jouent.

L’idée de Rue de la Brèche, c’est que “Cela ressemble à ce village, fait de bois, de pierre, de bruit de vent, c’est cela que l’on voulait retranscrire. On fait la musique de quelque part, on n’ a jamais été dans l’imitation, on n’a jamais fait de reprise. On cherche la texture de l’endroit raconte Jean-François, et à Pascal d’ajouter “par rapport au climat, on attaque, on fait des envolées arabisantes, on est dans l’univers du sud”. Cela ressemble aussi à la maison qui leur sert volontairement de studio de répétition, véritable île au trésor. Ils répètent “quelques fois sous les toits, sous le bois, avec les fenêtres ouvertes, quelques fois au rez-de-chaussée, avec justement cette porte d’entrée. D’autre fois, chez Pascal, car la batterie a pris de l’ampleur. Il arrive que des morceaux soient déambulatoires”. Ils gardent les oiseaux, les cigales, le vent, la ferronnerie offrant un son grunge qui tire à la fois vers le jazz et vers un ailleurs qui ne ressemble qu’à eux.

Ils n’écrivent pas, ils se parlent, échangent, cherchant des ambiances, “entrant dans les personnages”. Ils ont des gimmicks, l’un d’entre eux s’appelle absinthe, avec ses dimensions de trouble et d’interdit. Comme le sucre et l’eau vient changer la couleur, comme les effets de cet alcool qu’ils aiment tant, dans une suspension du temps. Elles reviennent, à raison de deux ou trois par album. Là, l’esprit est totalement jazz, la mise en danger assumée comme une rencontre dont la durée n’est pas limitée.

Pour le moment, les titres cachent les récits qu’eux deux seuls se racontent. Pour le moment, il n’est pas question d’y mettre de la voix, cela les pousserait à faire comme les autres. Cela arrivera peut-être mais pour le moment, ils laissent l’imaginaire de chacun se déployer dans l’écoute d’une musique à la bizarrerie atypique totalement hypnotique.

 

Visuel (c) Rue de la Brèche

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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