
Une Invitation au voyage de Stéphanie d’Oustrac et Pascal Jourdan à ne pas décliner
On ne présente plus aujourd’hui Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano française dont les interprétations scéniques n’ont finalement d’égal que l’excellence de sa technique et de sa diction. Rien d’étonnant alors à ce que ses albums soient généralement remarqués et salués tant par le public que par la critique, comme Médée furieuse en 2008, Arianna a Naxos en 2010, ou encore Ferveur & Extase l’année suivante. Pour son dernier enregistrement, elle s’associe à une connaissance de longue date, le pianiste Pascal Jourdan, autour d’un projet commun : un récital de mélodies françaises rassemblées dans l’album Invitation au voyage sorti en octobre dernier chez Ambronay. Les célèbres œuvres de Claude Debussy et Henri Duparc côtoient celles moins connues de Jacques de La Presle et Lili Boulanger, pour finir avec grâce sur deux mélodies de Reynaldo Hahn. Le voyage promet d’être superbe, et puisque nous y sommes invités, plongeons-y avec délice…
La première mélodie est, sans grande surprise, Invitation au voyage, célèbre poème de Baudelaire mis en musique par Duparc. 4 minutes et 27 secondes durant lesquelles le monde s’arrête autour de soi. Pascal Jourdan accompagne de son piano la voix de Stéphanie d’Oustrac avec ce qu’il faut de douceur, sans jamais créer le moindre déséquilibre entre les deux instruments qui nous sont offerts. Une fois ce décollage effectué, nous sommes embarqués dans une suite de mélodies où le piano suit la voix ou la complète, laissant entendre entre les notes la complicité des deux artistes et la maîtrise de leurs arts qui ne deviennent plus qu’un dans cet album. Vocalement, la palette de couleurs déployés est impressionnante tout en restant subtile et assez légère pour qu’une fois entraîné, on ne remarque pas toutes les difficultés techniques surmontées ici gracieusement. C’est d’ailleurs la preuve de la réussite : faire oublier la technicité au profit d’une interprétation profonde. Musicalement, les mélomanes amoureux du piano ne bouderont pas non plus leur plaisir : le toucher, de même que la voix, nous fait oublier la partition au profit de la musique qui y est inscrite et décline tant la douceur que des moments plus intenses avec le même brio.
Les textes de Baudelaire, Mallarmé ou encore Francis Jammes pour ne citer qu’eux, sont donc admirablement servis et sublimés, tant par les compositeurs que par Pascal Jourdan et Stéphanie d’Oustrac dont l’impeccable prononciation participe à l’enchantement global. Ne dit-on pas que le plus important dans un voyage, ce n’est pas la destination, mais le chemin parcouru ? Nous en avons ici une superbe illustration, et nous souhaiterions que la route ne finisse jamais.
Si comme le dit Maupassant : « le voyage est une espèce de porte par où l’on sort de la réalité comme pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve », alors tenir entre ses mains le coffret de cet album est comme tenir la clef de cette porte qui s’ouvre à nous…
© Bertrand Pichène