
Mémoire et énergie à l’avant-dernier soir du Festival Musica, à Strasbourg
Ce vendredi 4 octobre, Toute La Culture était à Strasbourg pour poursuivre son parcours dans les arcanes du programme musical si riche de l’édition 2019 du Festival Musica. La création française de l’opéra de Ondrej Adamek Alles Klapt et le programme Benjamin, Wolfe, Mahler à l’Auditorium nous ont fait voyager à la recherche d’une énergie bruissante et essentielle.
A 20h, à la salle Erasme du Palais de la musique et des congrès , sous la direction du chef néerlandais Antony Hermès, l’Orchestre National de Strasbourg nous a livré un programme divers où le corps et l’énergie vitale sont rois. Les hypnotiques Dance Figures de George Benjamin (2004) sont « neuf scènes chorégraphiques pour orchestre » où l’on glisse imperceptiblement d’une scène à l’autre, dans un climat de mystère et un petit goût d’Orient qui fait briller toute la matière de l’Orchestre. C’est sans transition qu’on passe de moments de violoncelle nostalgique à des chevauchées fantastiques, dans une pièce ronde où l’inquiétante étrangeté n’empêche pas la volupté.
Prenant son titre à une chanson du répertoire du grand collectionneur de folklore américain Alan Lomax, riSE and fLY de Julian Wolfe s’inspire des musiciens des rues de New-York pour proposer « un concerto pour percussions qui ne doit pas traditionnel. Interprète par le percussionniste star Colin Currie qui travaille avec son propre corps tout le début de la pièce, ce concerto joue donc des contrastes avec d’une part un orchestre minimal et d’autre part la performance très physique et quasi-dansée du soliste : il frotte ses mains, les claque puis claque tout son corps soutenu par les harpes, percussions et cordes en chevauchées. Un grand solo nous ébahit, comme un galop de cheval, suivi par les pieds des musiciens qui battent la mesure. Lorsque Currie passe à ses instruments et s’assoit, c’est une vraie envolée que nous vivons, parfois brusquement interrompue de silences. Puis le flot reprend et l’orchestre nous emporte dans le sabbat jusqu’au coup de cymbales finales. Ovation et bis participatif ont été échangés dans la joie par un soliste diva qui n’a pas hésité à nous faire rire en soupirant d’effort au milieu de son plus grand solo.
Après un bel entracte, c’est au cœur de la Première symphonie en Ré majeur « Titan » de Mahler (1884-1888) que nous a plongés l’orchestre. Ce saut dans le passé ne nous a pas fait perdre le fil rouge de la soirée : les sources d’énergie. Dirigé avec précision par Antony Hermus, dès le premier mouvement « Langsam, schleppend » (lentement, en dormant) interprète avec infiniment de douceur mais aussi un formidable bruissement de vie, l’Orchestre National de Strasbourg nous a fait ressentir toute la sève qui animait Mahler pour cette première symphonie considérée « trop puissante comme un torrent jaillissant de la montagne ». Avec une maîtrise du rythme et un début de deuxième mouvement presque baroque de majesté, les échos, les moments de valse presque danses et les changements de rythmes nous ont emportés dans la nuit, dans l’immense sale rouge de l’auditorium pleine où les miroirs reflétaient l’orchestre et son chef qui faisaient corps.
Une nouvelle magnifique soirée de découvertes et de grande musique à Strasbourg avant la clôture du Festival sur un programme de «Grand dérangement » ce samedi 5 octobre.
Visuels : YH