![[Live report] Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre à l’Auditorium de Lyon : comme à la maison](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2016/02/Les-Musiciens-du-Louvre-Marc-Minkowski_scale_762_366-761x366.jpg)
[Live report] Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre à l’Auditorium de Lyon : comme à la maison
Mardi dernier, le chef Marc Minkowski rendait visite aux lyonnais avec son ensemble des Musiciens du Louvre afin de donner un concert Gluck et Rameau à l’Auditorium. Si la salle ne fut malheureusement pas pleine, elle n’en fut pas moins comblée. Une réussite !
La première partie de la soirée est entièrement dédiée au Don Juan, ou la Festin de pierre de Christoph Willibald Gluck. Si le nom du compositeur reste étroitement lié à Orphée et Eurydice, Alceste, Iphigénie ou encore Armide, nous redécouvrons petit à petit ses opere serie italiennes (La clemenza di Tito, Telemaco, Paride e Elena) ou encore ses opéras comiques français (Le Cadi dupé, Les Pèlerins de La Mecque,…) Cependant, sa production scénique demeure encore dans l’ombre et seul son Don Juan semble avoir échapper à l’oubli parmi ses 8 ballets, lesquels comprennent également Citerra assediata, Alessandro ou encore Semiramisi.
Il faut dire que Don Juan a connu de nombreuses reprises depuis sa création en 1761. La ballet est inspiré de la célèbre pièce de Molière et son argument est attribué à Gasparo. Si l’oeuvre fut longtemps connue dans sa version longue en une sinfonia et 31 numéros datant de 1667, c’est bien la reconstitution de la version originale de 1761 composée d’une sinfonia et 15 numéros. Pour être plus précis, Marc Minkowski et les Musiciens du Louvre nous en font entendre des extraits.
Ainsi que le déclarera le chef à la fin de la soirée, jouer à Lyon est pour son Ensemble et lui un peu comme jouer “à la maison”, ce qui se ressent dès le tout début du concert : l’atmosphère est chaleureuse et détendue dans cet Auditorium qui, décidément, peine à se remplir, fort injustement pour ce soir.
Puisque nous sommes entre nous, la barrière souvent présente entre scène et public tombe à l’entrée de Marc Minkowski : ce dernier, dans son amour du partage et de l’échange, a prévu une forme de présentation originale qui rejoint celle que l’on commence à trouver chez les jeunes solistes, à savoir communiquer avec la salle. Le chef ne se contente pas de manier sa baguette, il se sert aussi des mots ce soir en présentant l’oeuvre et en introduisant chacun des 15 extraits de Don Juan, agrémentant parfois son discours de quelques notes de sa part, comme lorsqu’il nous explique que “Don Juan se rend au mausolée du Commandeur… à la Croix-Rousse, peut-être…”, ou bien lorsqu’il nous dit que “le valet de Don Juan, qui a fait ses études avec Paul Bocuse vient dire à Don Juan que le repas est servi”. Il ponctue également sa lecture d’une intonation rendant le tout vivant et amusant (nous pensons ici au moment où il nous indique que “de toute façon, il est MORT” ou bien “Don Juan va se retrouver seul… avec six femmes!”)
Outre cette participation amusante, le travail de l’orchestre est absolument remarquable, même pour cette Ensemble dont le mérite n’est plus à démontrer. Certainement la connaissance de l’acoustique particulière de cette salle a-t-elle servi à Marc Minkowski, plaçant ses musiciens de manière intelligente, comme pour les deux joueurs de castagnettes se rendant au fond de la salle ou encore ce qui semble être la ou les timbales, cachée(s) dans les coulisses, invisible(s) depuis la salle, apportant un effet de surprise lors des premiers coups tonitruants qui vaudront un “on frappe à la porte”. Le grondement ajouté à l’orchestre lors de l’Allegro non troppo du dernier numéro feront véritablement naître une ambiance cauchemardesque et infernale. Autre point absolument remarquable, celui des nuances qu’apporte l’orchestre, allant chercher un pianissimi sans pareil, comme dans la sérénade du numéro 2.
La deuxième partie est quant à elle dédiée à Rameau et à Une symphonie imaginaire. Il s’agit là de la réunion d’un ensemble des plus belles pages du compositeur, faisant ainsi référence à l’étymologie du terme “symphonie”. Pour faire simple, Marc Minkowski nous propose ici un best-off!
L’Ouverture de Zaïs confirme, même si nous n’en avions nul besoin, que l’Ensemble s’empare et est bel et bien maître du lieu. Même les piccolos, habituellement stridents, s’intègrent parfaitement à l’ensemble ici. Que dire également des pianissimi extrêmes qu’offre l’orchestre lors des Tambourins I et II extraits de Dardanus? Jamais encore nous n’avions entendu une telle maîtrise technique. Nous aurions pu entendre une mouche voler dans la salle, tout en continuant de distinguer les notes jouées par les musiciens. Un exercice qui atteint probablement ici la perfection.
La contredanse en rondeau des Boréades est ici prise à un tempo des plus vifs, effréné même, mais toujours dans un esprit festif, sans que cela ne soit trop rapide. De la mesure, bien entendu, mais surtout de la mesure juste, voilà ce qui paraît ressortir de cette interprétation. Les pizzicati de l’Orage, extrait de Platée, sont là aussi divins, et l’on entend véritablement les gouttes de pluie tomber depuis les instruments.
Si nous avons vu que Marc Minkowski et son Ensemble peuvent assurer un tempo très rapide, nous voyons à la ritournelle d’Hippolyte et Aricie que les variations de rythme qu’ils opèrent n’est en rien une simple démonstration de virtuosité mais bien une virtuosité mise au service de la partition. Ici donc, le tempo est au contraire légèrement plus lent que ce que l’on peut avoir l’habitude d’entendre. Changement total avec les rigaudons I et II de Naïs qui donne une vive envie de danser. Chaque extrait est bel et bien une oeuvre à part entière.
Bien entendu, qui dit “best-off” de Rameau dit forcément “l’Air des Sauvages” des Indes Galantes. Nouvelle accélération fulgurante et tempo de folie, comme Marc Minkowski a l’habitude de faire lorsqu’il s’arrête sur cet extrait, avant de nous apaiser grâce à “l’Entrée de Polymnie” des Boréades. Puis fin du programme avec la Chaconne des Indes galantes.
Ce sont au final 17 extraits que nous avons entendus en peut-être une heure, sans nous rendre compte que le temps passait. Comme nous pouvions nous y attendre, “l’Air des Sauvages” est repris en bis que le public accompagne dans un élan commun en tapant des mains, dirigé par le chef, rappelant le traditionnel final des concerts viennois avec La marche de Radetzky.
Marc Minkowski se livre ensuite quelque peu au public, parlant de son père qui lui avait fait découvrir Rameau et dont il avait appris le décès durant une période où il dirigeait les Boréades. Il invite alors tout un chacun à méditer avant de reprendre “l’Entrée de Polymnie” qui sera suivie de quelques secondes de silence.
Une soirée sans pareil où, à n’en pas douter, les absents ont eu bien tort de ne pas se rendre!