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Le London Symphonic Orchestra et Seong-Jin Cho triomphent dans un programme Russe au Festival de Riga Jurmala

Le London Symphonic Orchestra et Seong-Jin Cho triomphent dans un programme Russe au Festival de Riga Jurmala

31 August 2019 | PAR Yaël Hirsch

Dernier week-end sous le signe de l’été et du puissant London Symphonic Orchestra (LSO), dirigé par Gianandrea Noseda pour le tout nouveau Festival de Riga Jurmala. Toute La Culture était au bord de la mer baltique, ce vendredi 30 août 2019 sous le toit en bois du célèbre Dzintari Concert Hall de Jurmala. Plein air et extraordinaire acoustique étaient au service d’un programme russe très exigeant.

Il est 20 heures et le soleil n’est pas encore couché lorsque nous arrivons au Dzintari Concert Hall. Pour le dernier des cinq week-ends estivaux de sa première édition, le Festival de Riga Jurmala qui se passe dans les deux villes lettones (lire notre interview de son directeur, Martin Engströem) a fait venir pour un public élégant, assez jeune et très enthousiasmé, le London Symphonic Orchestra, dirigé par Gianandrea Noseda. Le premier des 5 concerts du week-end est russe et pointu avec une suite de Korsakov, La ville indivisible de Kitège, le concerto n°2 de Prokofiev avec l’extraordinaire soliste coréen Seong-Jin Cho (que nous avons découvert en 2018 à Verbier, lire notre article) et la 6ème symphonie de Prokofiev.

Mêlant deux légendes russes et issue du opéra de Rimsky-Korsakov, l’Opéra de 1907 “La ville invisible de Kitège” est souvent considéré comme “Le Parsifal russe”. La pièce met en musique le sauvetage mythique de la ville de Kitège de l’assaut des Tatares, grâce aux prières de la sainte Fevronia qui lui permit de devenir invisible pour échapper aux envahisseurs. C’est avec finesse et légèreté que Gianandrea Noseda engage le LSO dans la suite flamboyante en quatre mouvements venue de cet opéra populaire et néanmoins peu donné. Dans l’hymne à la nature inaugural, l’on croit vraiment entendre les oiseaux et c’est avec beaucoup de nuances et de couleurs que la vie monte, comme la sève. Le deuxième mouvement est une procession nuptiale où la joie est franche et où les violons et les harpes insufflent une profonde douceur dans la couleur. La tension monte et ne cesse de croître dans les deux derniers mouvements: tout l’orchestre semble se lancer dans la bataille. Pour l’apothéose, le rythme s’emballe encore jusqu’à l’explosion.

Composé en 1913 mais disparu pendant la Révolution et fini dans les années 1920, le concerto n° 2 de Prokofiev est une œuvre dense et toute en contrastes qui demande énormément au soliste. Gianandrea Noseda passe derrière le piano et le public accueille avec chaleur Seong-Jin Cho. Très concentré dès les premières notes de l’orchestre, le jeune pianiste à été impressionnant à chaque instant, notamment dans ses nombreux solos, où il a su passer sans transition d’une intensité presque violente à une douceur mélodique, engageant tout le corps dans son instrument.  Soutenu par un orchestre souple, docile, qui le suit et fait contrepoint avec élégance et fluidité, dès le premier mouvement duel “Anadantino- Alegretto”, il fait vibrer les schizophrénies et les contrastes de rythme de l’oeuvre. Très court, puissant et d’une vivacité folle, le deuxième mouvement est une coup de poing virtuose. Plus solennel, l’Intermezzo est une marche de tout l’orchestre qui met en avant la clarinette et permet de saluer aussi les montées et descentes virtuoses de Seong-Jin Cho. Le puissant mélange d’intensité et de maîtrise triomphent dans le dernier mouvement plein de rage, où à temps, les ruptures de rythme sont si violentes que l’on est presque dans l’après tonalité. Seong-Jin Cho alterne avec toujours autant de concentration les moments telluriques et les apartés doux et mélodieux, pour finir presque allongé sur le piano après nous avoir offert un final éblouissant avec l’orchestre. Le public applaudit à tout rompre et le bis se dévore comme une mignardise très précieuse.

Après un entracte long et très agréable en bord de mer et au-dessus de la salle, les musiciens du LSO se mettent en place pour une 6e symphonie de Chostakovitch qui date de 1939 et est paradoxalement lumineuse malgré le désir annoncé d’une oeuvre monumentale d’hommage à Lénine, en adaptant un poème de Maïakovski. Composée de trois mouvements assez hétérodoxes (le premier est plus long que les deux suivants), l’oeuvre est engagée avec suavité et élégance par le chef d’orchestre qui danse littéralement cette 6e symphonie. Ce sont les violoncelles qui entament le Largo avec douceur et sentimentalisme, repris par les violons et le reste de l’orchestre. Il y a du souffle et du mystère dans ce premier mouvement lent et solennel où le tonnerre finit par éclater. Marche enlevée, marquée par les pizzicati des cordes l’allegro nous embarque dans un rythme marqué avant que la joie n’éclate franchement dans le Presto final, tout simplement irrésistible.

C’est debout que le public de Jurmala salue le brillant Gianandrea Noseda et le LSO. Quelques mesures de Chostakovitch sont reprises dans la joie pour clôturer une soirée placée sous le signe de l’intensité et de la maîtrise, dans une lecture toute en nuances d’oeuvres russes par un des plus grands orchestres européens.

Rendez-vous demain à Jurmala pour deux autres concerts exceptionnels : dans l’après-midi, nous pourrons entendre la soprano Ying Fang et le soir, nous retrouverons Gianandrea Noseda et le LSO dans un programme Britten & Tchaikovsky mais aussi Bruch avec le violoniste Vadim Repin pour le premier concerto.

visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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