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La sérénité de Marc Antoine Charpentier

La sérénité de Marc Antoine Charpentier

05 December 2022 | PAR Jean-Marie Chamouard

Le 1er décembre 2022, l’Ensemble Correspondances est invité à la Seine Musicale. Sous la direction de Sébastien Daucé, il interprète l’oratorio de Noël « In nativitatem Domini canticum » et la Messe de Minuit de Marc-Antoine Charpentier.

Sébastien Daucé au service du maître du baroque français

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : ce maître du baroque français nous a laissé une œuvre considérable, en particulier vocale, avec environ 800 numéros d’opus dont 500 pièces sont parvenues jusqu’à nous. Formé en Italie, probablement par Giacomo Carrissimi, il rentre ensuite au service de la duchesse de Guise puis sera maître de Chapelle à l’église St Louis des Jésuites et enfin à la Sainte Chapelle. Il composera pour Molière (la musique du malade imaginaire) mais n’ira jamais à la Cour, peut être entravé par son contemporain J. B. Lully. Ce fut un homme discret, quelque peu mystérieux qui s’est effacé derrière son œuvre, une œuvre qui tombera dans l’oubli et qui ne sera redécouverte que dans les années 1950 puis 1980.
Sébastien Daucé a fondé, autour d’élèves du conservatoire de Lyon, l’Ensemble Correspondances en 2009. Cet ensemble choral et instrumental est dédié à la musique baroque « du Grand Siècle ». Il joue sur instruments d’époque. Les choristes ont chacun leur tour un rôle de soliste. Sébastien Daucé est un passionné de la musique de M.A. Charpentier. Dans sa direction il apparaît calme, sobre, précis. Il nous invite ce soir dans un monde de grande sensibilité et de totale harmonie.

Des chants de Noël baroques

Le concert débute par un chant de femmes à Capella interprétant l’antienne « Sub tuum praesidium ». L’auditeur est saisi d’emblée par la pureté musicale. « Or nous dites Marie » est chanté, pour la seule fois ce soir, en français. Le solo de la soprane incompagnée du luth et de la contrebasse suggère l’intimité. Puis le chœur des hommes se joint à l’orchestre pour un chant de louanges.
« In nativitatem Domini canticum » est un motet composé en 1690 pour la liturgie de Noël. Dès le prélude, l’auditeur est séduit par la superbe voix du ténor. Le Chœur des Justes est un chant de consolation tout en nuances, dont il émane une grande douceur. Puis tombe la nuit. L’orchestre est seul, les cordes jouent en sourdine, l’auditeur est baigné dans le calme de la campagne assoupie puis subitement, la musique devient rapide, inquiète pour le réveil des bergers avant le long solo rassurant de l’ange. La marche des bergers est joyeuse, entrainante, la flûte à bec se détache de l’orchestre. L’allégresse domine le chœur final à la gloire de dieu.
Les choristes sortent : c’est la nuit à nouveau, un interméde instrumental paisible marqué par le très beau chant de la flûte. Puis un chant d’espoir émerge de la nuit c’est le « O Miraculum », une antienne de Noël composé par Sébastien de Brossard en hommage à M.A.Charpentier. Un beau tableau musical.

Une messe devenue célèbre :

La Messe de Minuit a été composée vers 1690 lorsque M.A. Charpentier était maître de musique à Paris en l’église St Louis des Jésuites. C’est une œuvre célèbre, pleine de contrastes, lumineuse, intime. Elle allie la musique savante à des chants de Noëls populaires. Le Kyrie est inspiré par la mélodie du Noël « Joseph est bien marié ».Une musique joyeuse dynamique, contrastant avec la douceur du Christe. Les contrastes sont frappants aussi, lors du Gloria, tantôt lent et mélodieux, tantôt fougueux. Le contre-ténor excelle dans l’Alma Redemptoris, cette douce prière à la Vierge est très touchante.
Le motet « In Nativite Domini Nostri Jésu Christi Canticum » s’intercale dans la Messe de Minuit. L’Angélus est remarquable : le solo de la soprane est merveilleux. Elle est accompagnée du seul luth. Une musique, une voix d’inspiration céleste. Le concert se termine par l’allégresse du Sanctus et la tendre douceur de l’Agnus Dei.
La musique de M. A. Charpentier est séduisante par sa finesse, sa sensibilité, ses contrastes. Elle est gracieuse, réjouissante comme éclairée par la lumière de l’Italie où le compositeur séjourna pendant trois ans. L’interprétation de Sébastien Daucé est nuancée précise, assurant un parfait équilibre entre l’orchestre, le chœur et entre les différents pupitres. Un travail d’orfèvre.

Visuel : ©Jean Marie Chamouard

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Jean-Marie Chamouard

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