“La Grande messe en ut” images et sons en fusion à La seine Musicale
La canicule brûle la France, les parisiens pouvaient plonger dans le festival Mozart Maximum à “La Seine musicale” et nager dans les eaux douces et les profondeurs de la Grande Messe en Ut de Mozart par Insula Orchestra, Accentus, Laurence Equilbey, Mari Eriksmoen, Sylvia Schwartz Reynoud Van Mechelen et Philippe Estèphe. Une version au présent de cette œuvre, plus qu’un concert, un spectacle vivant filmé et diffusé par la réalisatrice Pascale Ferran en direct sur un écran géant.
La musique, le texte, l’image, la représentation, que choisir?, l’art total est-il espéré? ou chaque art doit- il rester vierge et ne pas partager l’espace ? Difficile de répondre à ces questions, tout est choix et Laurence Equilbey prend la décision d’ouvrir grand portes et fenêtres à tous les arts pour qu’ils se croisent, s’effleurent, flirtent, se rencontrent, fusionnent, s’épousent et inventent les contours d’un vaste monde. Pour La Grande Messe en Ut, elle invite Pascale Ferran à filmer le concert et le diffuser en direct sur un écran géant.
Dans la lignée d’un spectacle de Katie Mitchell par exemple, la vidéo décuple l’espace, l’orchestre joue, les spectateurs voient la musique naître sous les doigts et les cordes de la chef d’orchestre, des musiciens et des chanteurs. Au même moment, d’autres images, plus proches sont projetées, découpées, habillées, des plans, des coupes sélectionnées par Pascale Ferran.
Avant le concert un petit film explicatif, pédagogique est proposé pour aider à une meilleur compréhension de l’œuvre. Blandine Berthelot vive musicologue se charge de l’historique, Laurence Equilbey donne sa vision et son trajet pour offrir cette œuvre aujourd’hui sans oublier Mozart et Stéphanie Paulet premier violon raconte son expérience, sa position de cheffe d’attaque. La vidéo est intéressante, l’envie de s’élancer dans l’œuvre est grande, la fin dans les coulisse semble un peu longue.
Difficile de ne pas être happé par les images, elles prennent de la place et les illustrations avec étoiles ou canards ne semblent pas nécessaire, la beauté de la musique et le voyage en images brutes auraient suffit.
Pas de commande pour cette œuvre de Mozart, la puissance de la création religieuse en remerciement parait-il à la survie à une maladie grave de son amour Constance. L’œuvre est inachevée, libre, vivante, angoissante, puissante et éclatante à la Mozart.
Les chanteuses sobrement vêtues semblent avoir de beaux aiguës, la voix claire mais la projection est faible, difficile de les entendre tuilées sur Accentus brillant comme à son habitude. Reinoud Van Mechelen montre une voix de ténor séduisante, Philippe Estèphe arrive seulement pour le quatuor final mais livre une jolie palette vocale de baryton.
Laurence Equilbey dompte en souplesse l’orchestre et le choeur Accentus avec les solistes sur les chapeaux de roues. Une direction énergique, aux tempi rapides comme ses soubresauts, vifs et sautillants.
Couleurs et nuances teintent l’espace, les images montrent des musiciens engagés, des chanteuses qui semblent un peu forcer et une chef dont le visage se métamorphose en fonction des inflexions et émotions de la musique. Une enfant de cinq ans, une générale d’infanterie, une cavalière, la lumière de la vie, les profondeurs de l’angoisse, les tourbillons de la peur de la mort composés par Mozart semblent la posséder.
Très belle énergie pour cette Grande Messe en Ut, Insula Orchestra a creusé encore plus la matière, Accentus comme un seul Homme fait vibrer l’air, les solistes eurent la part belle.
L’expérience proposée par Pascale Ferran est intéressante, une tentative de spectacle vivant, différente, une œuvre filmée qui ajoute de la vie à la vie, de l’art à l’art. Que demander de plus ?
A la sortie les spectateurs débattent sur la présence du film, sa place, certains adorent, certains doutent, tout le monde en parle c’est donc qu’il s’est passé quelque chose. L’art devrait toujours produire cela, des questionnements, des doutes, des pertes de repères, des émotions, des soulèvements au présent.
Visuels (c) Julien Mignot.
K.B & Bérénice Clerc.