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Déclinaisons concertantes au Verbier Festival

Déclinaisons concertantes au Verbier Festival

23 July 2021 | PAR Gilles Charlassier

Creuset musical estival au cœur du canton du Valais, le Verbier Festival respire l’air des cimes musicales, avec trois programmes concertants à la Salle des Combins ce mercredi 21 juillet.

Après l’annulation de l’édition 2020 pour cause de pandémie, le cru 2021 renoue avec le public, en s’adaptant à la situation. Au-delà des protocoles mis en place pour adapter l’accueil des musiciens et des mélomanes dans les meilleures conditions sanitaires, les affiches sont parfois modifiées en fonction des imprévus.

Bezhod Abduraimov  et le concert du Verbier Festival Junior Orchestra 

Le concert du Verbier Festival Junior Orchestra n’en est pas affecté. Sous la baguette de son directeur musical, James Gaffigan, la phalange, qui réunit de jeunes musiciens confirmés, âgés de 15 à 18 ans et venus des quatre coins du monde pour parfaire leur pratique au sein d’un orchestre, propose un programme entièrement russe en ce mercredi après-midi à la Salle des Combins. Jouée à un tempo modéré, l’ouverture fantaisie de Roméo et Juliette de Tchaïkovski affirme ainsi une belle plasticité dans le crescendo dramatique, qui permet à l’ensemble des pupitres de participer à cette intensification expressive, sans renoncer à un éclairage quasi chambriste des interventions de chacun.

L’ensemble fonctionne davantage comme un accompagnateur, voire un écrin, pour la virtuosité de la Rhapsodie sur un thème de Paganini, op. 43 en la mineur de Rachmaninov. Sans céder à un exhibitionnisme de mauvais aloi, Behzod Abduraimov n’hésite pas à faire briller l’ivresse des variations, explorant jusqu’à satiété tous les registres de l’instrument. On trouvera certainement davantage de musique dans les extraits des trois suites que Prokofiev a tirées de son ballet Roméo et Juliette. Même dans les six séquences retenues – Montaigus et Capulets ; Masques ; Roméo et Juliette ; Mort de Tybalt ; Roméo sur la tombe de Juliette ; Mort de Juliette – on reconnaît la fluidité narrative du maître russe, qui sait, avec quelques modulations caractéristiques, retranscrire la richesse et la puissance des émotions et des situations. La cohérence du VFJO et la complicité entre les musiciens et le chef se mesurent dans un bis – la reprise de Masques – où le chef laisse l’orchestre seul face à la partition : l’instinct du tutti s’entend dans une précision dynamique qui n’a même plus besoin de l’impulsion de la baguette.

Janine Jansen & le Verbier Festival Chamber Orchestra 

En raison de contaminations au sein de l’effectif du Verbier Festival Orchestra, c’est le Verbier Festival Chamber Orchestra qui prend le relais pour les deux concerts dirigés par Antonio Pappano, dans cette même Salle des Combins. Le premier, à 18 heures, est emmené par la magie de l’archet de Janine Jansen. La violoniste néerlandaise livre une lecture magistrale du Concerto pour violon n°1 en sol mineur op. 26 de Bruch. Si la réponse orchestrale dans l’Allegro moderato porte l’empreinte d’une direction musicale voulant calibrer les dimensions chambristes à celles du grand symphonique, rendant un peu gauche l’écriture rhapsodique du mouvement, le chant du violon, aérien et lumineux, à la ligne diaphane, restitue l’Adagio avec une finesse inégalée dans le lyrisme. L’articulation des piani touche à la grâce. Le finale, Allegro energico, conjugue vigueur et confirmation quant au raffinement dans la souplesse du phrasé, concluant une version différente et complémentaire de références plus roboratives du chef-d’œuvre de  Max Bruch.

Sergei Babayan & le Verbier Festival Chamber Orchestra 

Au violon succède le piano de Sergei Babayan dans le second concert, à 20 heures. Indifférente au cisèlement de l’extériorisation virtuose, la vision de l’Arménien se met au chevet de la tendresse du dernier Concerto pour piano de Mozart, le n°27 en si bémol majeur K. 595. Au fil des trois mouvements, Allegro, Larghetto et Allegro, le clavier se glisse dans les inflexions et les ressacs discrets du sentiment, en privilégiant la douceur dans la versatilité des affects, plutôt que la perfection du discours. Chacun des deux concerts fait entendre, en seconde partie, la Sérénade n°1 en ré majeur op. 11 de Brahms, page de jeunesse assez rarement jouée, qui mêle inspiration originale, entre autres dans l’Allegro molto augural ou encore l’Adagio non troppo et les deux Menuetto – et filiation schumanienne un rien trop évidente, dans le deuxième Scherzo et le Rondo final. Une deuxième interprétation ne sera pas superflue pour aboutir à un résultat plus concentré, qui évite de précipiter dans la maladresse les expérimentations, par exemple du premier Scherzo, à la forme non conventionnelle. On ne redira jamais assez les vertus de la réécoute… et du foisonnement d’un festival.

Verbier Festival, Salle des Combins, Verbier, concerts du 21 juillet 2021. Jusqu’au 1er août 2021

©affiche du festival

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Gilles Charlassier

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