[Chronique] « Bambi Galaxy » de Florent Marchet : l’odyssée de notre espace
Après le très beau Courchevel (2010), Florent Marchet livre un album au charme intersidéral. Il y est question d’absurdité et de solitude, mais aussi d’une forme de courage étonnante et mutante : le voyage cosmique par la musique. L’album sort le 27 janvier, et il est indispensable de l’acheter pour décoller en 2014.
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Chaque album de Florent Marchet ouvre sur un univers, légèrement décalé. Le village de Gargilesse, la ville-fantôme de Rio Baril, l’atmosphère feutrée et bourgeoise de Courchevel et, cette fois, l’espace. L’infiniment grand permet d’établir des correspondances subtiles avec l’espace intérieur, ce petit vide lancinant qui nous habite au quotidien. Florent Marchet est un équilibriste, avec lui les chansons ne sont jamais d’une seule couleur. Tristes et bondissantes, mélancoliques et souriantes, noires et irisées. Sur des mélodies parfaitement tenues, au son électro très dansant, il imprime sa voix claire et ferme, si particulière.
En ouverture, la plage instrumentale « Alpha Centauri » sonne comme un alunissage. Au fil de ce voyage intersidéral, Florent Marchet distille sa sensibilité vive, heurtée par l’absurdité des choses : « Qu’est-ce que j’ai fait au monde ? / Un rien m’atteint / A la dernière seconde / Je serai bien » (« La dernière seconde », sublime chanson de fuite en avant, un souhait d’anéantissement assez heureux). Dans « Que font les anges » (sans point d’interrogation), Florent Marchet a ces mots frappants : « Le foutoir / déforme le ciel / Je voudrais m’asseoir ». Le poids de la fatigue, de la routine, prend toute la place, imposant cette folle échappée dans l’espace infini. Le très beau morceau « Apollo 21 » propose une plongée dans la psyché d’une famille en route pour un voyage en capsule, sans fin. L’odyssée de l’espace, non plus en 2001, mais en 2045 et plus, jusqu’au bout des questionnements, des quêtes de jeunesse éternelle…
Entre références à Michael Jackson (le Bambi du titre), à Michel Houellebecq pour la mélancolie hédoniste (« Ma particule élémentaire »), à l’époque des Paradis perdus seventies (le superbe « Héliopolis » où Florent Marchet, « hippie un peu triste », affirme vouloir vivre nu, en toute liberté, échanges sensuels, ouverture aux autres humains). « Je crois qu’il est l’heure » lance-t-il dans « Space Opéra », l’heure de partir très loin dans la capsule musicale, où distance infranchissable et rêve de fusion charnelle se conjuguent merveilleusement.
Le ciel a ouvert les bras à Florent Marchet : enlacez-le, vous aussi, de vos bras aimants, comme il le demande. Après le voyage sur votre I-Pod, ne manquez pas le grand départ dans la fusée-concert, pour atteindre une forme de plénitude, « nus dans la neige orange ».
Florent Marchet, Bambi Galaxy, 2014, [PIAS] Le Label, 42 min.
Visuel: (c) pochette de l’album Bambi Galaxy de Florent Marchet