
Sylvia Plath & Sisters, un concert littéraire nerveux et passionnel
Alors que la Maison de la Poésie se renouvelle, sous l’impulsion de son nouveau directeur, Olivier Chaudenson, Florence de Corre, Jeanne Cherhal et Mia Delmaë explorent l’oeuvre de la poétesse américaine Sylvia Plath. Véritable performance d’équilibriste, dans un univers à l’équilibre précaire.
Une journée timidement ensoleillée, les estivants entêtés s’attardent aux terrasses des cafés près du Centre Pompidou. Non loin de là, hors du temps et de l’espace, comme un caprice enchanté, la Maison de la Poésie est nichée dans le passage Molière, intacte et préservée à quelques mètres, de la rue de Rivoli, où les enseignes tapageuses, ingurgitent et régurgitent des hordes de consommateurs inépuisables. Le lieu dégage une atmosphère unique, d’un précieux décalé et cultivé avec une nonchalance certaine. On se cale, rêveur lucide, dans des fauteuils au cuir vieilli passé de mode, alors qu’artistes et amateurs déambulent entre les salles, en attendant de s’y installer, petit théâtre avec balcon, un entre-soi confortable, à l’intimité flottante.
Jeanne Cherhal s’installe au piano, et Florence de Corre, en écolière assagie derrière une petite table de bois, crayons et carnets et journaux dispersés, Mia Delmaë se saisit d”une guitare. Douces, fragiles et nerveuses et passionnées, elles reprennent l’oeuvre de Sylvia Plath, explorent son “Unabridged Journal”, mettent en musique et en charme ses poèmes, sublimant ses plus belles envolées lyriques, ses morceaux de passion fusionnelle, au gré de la voix langoureuse, délicatement enrobée, de Jeanne Cherhal, de celle plus nerveuse, brisée, tendre de Mia Delmaë qui irradient les textes déjà brûlants de la poétesse américaine.
Les trois femmes nous révèlent tour à tour Sylvia Plath insaisissable, brumeuse, et évanescente, aux multiples facettes, mouvante et éternelle. Florence de Corre, instigatrice de l’événement, s’éprend de la vivacité et de l’esprit moqueur et enjoué, et terriblement perspicace du personnage, qu’elle suggère avec un jeu d’une élégance folle.
Chantre désabusé, désespéré, d’une époque dont “le psychiatre est le dieu”, mais surtout fragile, derrière ces infinis et délicieux sarcasmes où Sylvia Plath (Florence de Corre) démonte les lieux communs de la conversation. Figure de proue du féminisme, après une réflexion inextricable, sur son avenir et ses relations avec la gente masculine, elle conclut que “la femme n’a le choix qu’entre la folie et la névrose”. Une Sylvia Plath névrosée, c’est très certainement ce qu’incarne jusqu’au trouble Mia Delmaë, frémissante et saccadée, avant d’être reprise par un chœur fantomatique. L’espace d’un instant, Sylvia Plath envahit la douceur feutrée du théâtre, pour une échappée, dangereuse et voluptueuse.
Visuel : affiche de l’événement