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Passeport transatlantique : le sexe aux US

Passeport transatlantique : le sexe aux US

13 February 2011 | PAR La Rédaction

A l’occasion de la Saint-Valentin, il semblait opportun de partager un petit décryptage des relations de couple aux États-Unis. Fruit de près de trois ans de vie à Chicago, Boston et surtout New-York, cette petite enquête puise aussi bien dans les conversations avec les copines que dans la lecture médusée de magazines aussi profonds que Glamour ou Cosmopolitan, qui sont très différents des versions françaises. C’est aussi l’occasion de me permettre un petit billet léger  à la première personne. Mais attention, toute remarque qui semblerait puiser dans la vie sentimentale de l’auteure n’est qu’une coïncidence fâcheusement trompeuse…

Je n’ai pas cité des sources aussi pures que Cosmopolitan ou Glamour à la légère. Aux US, les magazines féminins donnent le ton. Leurs rubriques “sexe” foisonnantes et répétitives font assez peur. Toute la joyeuse saisie des corps est expliquée pas à pas, un peu comme dans un manuel de machine à laver. Avec en sus (si je puis me permettre) l’idée très progressive qu’il faut faire plaisir à son homme et qu’un mâle bien baisé et bien nourri est affectueux comme un animal domestique. Je passe sur la page des confessions coquines- qui n’est pas mieux en VF- ou une série de clichés monstrueux et terriblement mal écrits sont précipités. Ils apparaissent souvent sur le mode de “je me suis tapé l’affiche”, histoire de créer une connivence avec les  lectrices qui se seraient elles aussi faites prendre en train de faire l’amour avec leur petit copain par les parents du-dit fiancé.

Je tiens aussi à signaler que ne comprenant rien au rituel du date (baiser au premier rendez-vous, sexe au troisième et pas de sexe oral le premier soir m’a-t-on assuré, + droit de voir d’autres dates pendant les trois premiers rendez-vous), je ne suis peut-être pas bien placée pour faire une analyse sociologique des relations intimes à l’américaine.

Question ambiance générale, je ne sais pas si ce que vais décrire est lié au puritanisme  ou à un quelconque “esprit du protestantisme”… Mais il semble qu’en Amérique la tension du cœur balance entre le “nous ne nous devons rien” et l’engagement dur comme fer. Parallèlement, la tension sexuelle oscille entre le cru clinique et le non-dit. Il y a une étiquette supposée pour toute sortes de relations. Quand je dis en Français, “c’est mon amant”, en anglais, il faut que je précise : “it is a one night stand”, “it is my bootie call” (pas souvent et par texto, si possible), “we are fuckbuddies “(on se voit sporadiquement juste pour “ça”), “friends plus bonuses” (j’adore celle-là : des vrais amis qui occasionnellement et quand ils sont tous deux libres couchent ensemble). Ou encore : he is “my date”,”my boyfriend”, “my fiancé”, “my husband” (par ordre d’apparition au générique). Bref, autant dire qu’il n’y a aucune place pour l’ambiguïté, et d’ailleurs on n’en parle pas, on fait. Pas de longues négociations à la Crébillon ; finalement peu de libertinage, et donc zéro place pour l’érotisme tel qu’on le conçoit en France ; dois-je avouer que c’est un peu frustrant ? En revanche, le contrat qu’il soit d’une nuit ou d’une vie (supposément) est clair (enfin pour ceux et celles qui maîtrisent les codes mieux que moi). Socialement, on est censé savoir à quoi s’attendre (il va rappeler ou pas). Et à l’horizontale, il va de soi que chacun a droit au moins un à orgasme. C’est toujours ça de pris, me direz-vous. Et l’on se prive aisément des fantasmes les plus fous quand on tient bien droit dans ses griffes celui de la maîtrise : l’on sait ce que l’autre veut (jouir, nécessairement; comment, on ne pose la question que pour aller plus directement au but), on demande à sa douce moitié comment atteindre cet objectif et l’on y parvient.

Passons au vocabulaire. Il semble que les mots du sexe soient cantonnés au lit. On parle rarement “cul” (tiens encore une étoile manquante) entre potes, comme on peut le faire dans un café parisien en intégrant la serveuse à notre passionnant débat. On peut peut-être évoquer certaines choses en tête à tête, pudiquement avec une copine, et de manière plus graphique (ah voilà ce qui manque en français, l’adjectif “graphic,” même si on “fait des dessins”) avec un ami gay. Mais on ne badine pas avec le sexe, pas de grands dialogues philosophico-sexo- loufoques à la desplechin.

Au lit, en revanche, à deux, on aborde toutes les questions ouvertement. Le phrasé d’avant le coït est souvent hygiénique et utile. Comme on parle ouvertement d’argent à l’extérieur, on parle ouvertement de son état de santé à l’intérieur. (“Are you clean down there?” étant pour l’instant la façon la plus directe et non-sexy dont on m’a dit que la question a pu être posée). Bref, il y a quelque chose de très frais à appeler un chat un chat mais le courant d’air peu vite glacer.

Dans les mots charnels, notre bon vieux “baiser”, à la fois vulgaire et adorable, complice et cru me manque beaucoup. “To have sex” est encore et toujours clinique. “To fuck”, excitant, mais à la manière trop franche d’une virile saillie. A moins de le traduire en simultané par “foutre”, ce qui aide un peu en faisant rêver au XVIII e siècle littéraire. Et je passe vite – mais très vite!- sur “To get laid”, qui hésite très peu langoureusement entre le trash, le besoin animal de s’envoyer en l’air (encore une expression mi-mignonne, mi-ironique, qui manque cruellement à l’expatrié(e)) et le régressif mimi-cracra des teen movies. Quant à “faire l’amour” il se traduit mot à mot, mais qui dit encore ça en Français ? et en Anglais on passe la barrière de chamallow de l’ultra-romantique.

Les Américains un peu globe-trotters se plaignent souvent que l’expression “joie de vivre” n’existe pas chez eux. “Be happy” est plutôt un impératif ici; il m’est d’ailleurs sympathique et me va bien. En revanche, que le verbe “jouir” n’existe pas me désole. Je placerais “To come” entre le descriptif quasi-scientifique et la venue du messie. Encore une fois, le manuel de la machine à laver ou l’épiphanie, et zéro entre-deux. En revanche, “To take” semble familier et traduit directement l’idée française. A l’impératif, il passe plutôt bien, et on peu faire révérence (“take a bow)” devant son honnêteté. Je dois aussi dire que “To sleep” rend bien la neutralité plan plan de notre “coucher”

Sans entrer trop dans les détails (Je nous épargnerai les positions une à une), je suis peut-être partiale, mais notre “pipe” des grands-pères me semble plus bon enfant que le “blow job” (argh ces sonorités) local. “To get down (on a woman)” pourrait passer pour évasif est plutôt tendre, mais ses vertus ne pâlissent-elles pas devant notre écumant “lécher”?

Je continue à être partiale, mais désigner des endroits du corps en anglais est compliqué. Le claquant “cul” devient le fadasse “ass”. “Behind”, comme “derrière” fait un peu précieux, mais c’est pas mal. Pussy serait proche de “chatte”, mais très dévalorisé par le R’n’B. Pour le sexe masculin, les sonorités agressives sont assez explicites : dick, cock etc… “Boobs” ou “Breast”, est très enfantin n’a pas le caractère transgressif de “sein”/ saint. “Tighs” est bien plus fin que “Cuisses” mais trop peu usité.

Tout ça pour dire qu’il n’est pas si facile de changer de langue pour baiser. Peut-être est-ce le côté transgressif de la langue maternelle, peut-être est-ce une question d’habitude, ou peut-être lié à la terra incognita de nouveaux codes sociaux… Mais s’étreindre dans des mots étrangers -surtout quand ils n’arrivent pas avant qu’on soit déjà déshabillé(e)- brise l’immédiateté et bien souvent l’élan en entier.

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La Rédaction

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