« Sans lendemain » de Jake Hinkson : Grand prix de littérature policière 2018
Roman noir classique très efficace, Sans lendemain met en scène un engrenage implacable dont la narratrice ne sortira pas indemne.
Grand prix de littérature policière 2018, Sans lendemain ne se lâche pas : sa construction habile et son rythme implacable tissent un récit où s’entremêlent mensonges et désirs. Jake Hinkson, passionné de cinéma, rend bien compte de l’attrait qu’exerçait Hollywood en cette fin des années 1940 alors que, pourtant, le maccarthysme menaçait de purge les studios américains. Un style concis conduit à une habile construction des personnages : une héroïne incapable d’aimer et pourtant attirée au premier regard, un homme ayant perdu la vue mais gagné la foi et une femme de pasteur prête à tout pour vivre un rêve. « N’allez pas dans l’Arkansas » avertit la première phrase du roman, mais lisez Sans lendemain.
« La limite du Midwest vient s’échouer au pied des Ozarks. Les champs, qui sont d’abord aussi verts et plats que des tables de billard, s’élèvent progressivement de part et d’autre de la route avant de céder la place à des collines plantées de denses forêts parsemées d’affleurements rocheux. Plus je m’enfonçai dans les Ozarks, plus les routes tournicotaient sans prévenir dans les arbres, comme si elles suivaient à la trace les pas tortueux d’un ivrogne. Des voies sinueuses qu’il fallait chercher s’accrochaient aux flancs de montagnes couvertes de pins, et j’avais beau avoir une carte posée sur le siège à côté de moi, je ne pouvais pas la regarder et conduire en même temps, de peur de quitter la route et de tomber dans un ravin profond de quinze mètres. Lorsque j’arrivai enfin dans l’Arkansas, les jointures de mes doigts étaient blanches tant je serrais le volant, et je ne cessais de maudire cette affaire dans laquelle je m’étais embarquée. »
Sans lendemain, Jake Hinkson, Gallmeister, 224 pages, 8,40 euros
Illustration: Couverture du livre