Fictions
“Patte blanche” : huis-clos sombre et bourgeois

“Patte blanche” : huis-clos sombre et bourgeois

19 August 2022 | PAR Marianne Fougere

Avec Patte blanche, Kinga Wyrzykowska, auteure déjà de deux livres en littérature jeunesse, réussit avec brillo sa rentrée chez les “grands”.

 

Tout commence par un titre peu engageant ou du moins pas à la hauteur de l’étrangeté de du fait divers. “Les reclus d’Yerville” ou l’histoire des Simart-Duteuil, une famille de Franciliens BCBG qui, depuis plusieurs mois refuse de sortir de sa résidence secondaire normande. Pourtant, rien ne laissait présager que “Le Clos” deviendrait la prison volontaire de tous les membres de la famille. “Les Simart-Duteil, à en croire l’épicière du coin, étaient tout ce qu’il y a de plus normal, ouvert même, ils recevaient beaucoup surtout depuis la mort du patriarche, un grand monsieur.” Comment expliquer alors une telle trajectoire ? Un tel naufrage avec l’immobilité pour seule perspective ?

Pour tenter de comprendre l’improbable, Kinga Wyrzykowska plonge dans l’année qui a précédé la réclusion du clan. Derrière la vitrine de gens bien sous tous rapports se révèlent les failles intimes. L’homosexualité d’un fils refoulé, une union secrète, un demi-frère caché, une mère parfaite déboussolée, des ados d’une extrême banalité… La façade se lézarde et tous acceptent de cesser de se débattre. Ce qui n’empêche pas Kinga Wyrzykowska de nous mettre aux prises avec des enjeux d’un monde bien réel, bien que sous perfusion virtuelle.

Omniprésence des réseaux sociaux, accueil des migrants, tentations complotistes, replis protectionnistes : Patte blanche croque les faux-semblants, les peurs et les fantasmes de l’époque actuelle. Servi par une écriture punchy et acide, le roman se lit comme on scrollerait sur les réseaux sociaux. D’une traite. Mais, dans l’esprit du lecteur, son souvenir demeure bien plus longtemps qu’une vidéo TikTok. Signe de la puissance de la littérature comparée aux réels…

 

Kinga Wyrzykowska, Patte blanche, Paris, Seuil, sortie le 19 août 2022, 316 p., 20 euros.

Visuel : couverture du livre

 

 

“La dissociation” ou l’art de distinguer une plume bien affûtée
“Au vent mauvais” : un roman qui a du souffle
Marianne Fougere

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration