Fictions
Nouveauté littéraire : Carole Zalberg, Tes ombres sur les talons

Nouveauté littéraire : Carole Zalberg, Tes ombres sur les talons

08 March 2021 | PAR Romy Trajman

Après “Où vivre” (Grasset, 2018) Carole Zalberg revient avec un nouveau roman voyageur et solaire, “Tes ombres sur les talons”, paru chez Grasset. Mêlant des thèmes forts : l’immigration, le culte médiatique, l’ère du digital et  la quête de soi, ce roman initiatique brasse l’époque avec acuité et s’élance droit vers l’horizon. Portrait lumineux d’une héroïne hors de son temps – ou trop en avance – qui devra se heurter à l’époque, pour enfin, se trouver.

L’héroïne d’une époque 

Melissa vient d’une petite ville de Province, classe moyenne ; mère cantinière et père routard, adolescence studieuse et discrète. Au fond d’elle pourtant, une singularité retenue. Une certaine foi en l’avenir, aussi. De par sa scolarité brillante, Mélissa s’oriente vers les prépa grandes écoles, un peu comme ça, pour faire plaisir aux profs. Suivre un chemin.

Puis c’est le Graal, admission dans l’établissement rêvé, ce petit cercle privé des élites, qui feront la France de demain.  Pourtant, vite, Mélissa déchante. Elle ne se sent pas de ce milieu : les silhouettes gracieuses et évanescentes qui glissent dans les couloirs la renvoient indéfiniment à sa classe : Terrienne. 

Elle aimerait enfiler cette légèreté le temps d’une soirée, l’insouciance de ces jeunes filles dorées qui ont déjà tout digéré des codes de leurs parents ; les strates, la classe et l’indolence.  Mais Mélissa se heurte et lorsque diplôme en poche, la voici dans la jungle du «Find a job», elle titube. La gorge nouée, qui est-elle ? Que vaut-elle ? Les responsabilités l’effraient. Doit-elle rester anonyme derrière son blog Artémis, qui lui vaut tous les regards ? Elle aimerait disparaître. Franchement. Alors, de petits stages en boulots sans responsabilité, elle slalome. C’est pourtant au gré de l’un de ces stages qu’elle rencontre Clémence.

Une ère digitale et politico – médiatique

Clémence lui ouvre les portes d’un autre monde. Qu’il semble beau ce monde, tout en largesse. Ici, on parle, on s’active, on a des idées. Ici les réunions sont à midi, dans l’hôtel particulier.  On veut changer la société. L’art et la politique. L’égo et sa mécanique. Bienvenu dans la « Ligue Nationale », collectif et mouvement underground d’extrême droite. A sa tête, Marc, jumeau d’un autre leader -de gauche-. Les frères rivaux sont les nouvelles coqueluches médiatiques et inondent les plateaux TV.  Mais c’est Marc qu’elle rencontre et lui trouve Mélissa intéressante. Ou attirante. Celle-ci poétise la rencontre; on l’écoute, on s’intéresse à elle, la voici favorite. Alors peu à peu, elle se laisse glisser, et s’hypnotise. 

                              Au contact de Marc, le monde s’évanouit. Elle dira oui à tout, de lui. Même lors de cette manifestation anti-migrants, qui bloque l’entrée d’un refuge et laissera mourir un enfant, dans les bras de sa mère.  Mélissa ne voit rien. Elle est soustraite. Tout son être tendu vers lui. Plus rien n’existe. Jusqu’au jour où Marc, pour la première fois, la touche. Et là, tout s’ébranle. Aucune tendresse. Le type est mécanique, il fait ça comme ça, pour lui. Pour passer sa colère contre son jumeau, qui lui prend, l’espace d’une soirée, le lead médiatique. L’impression d’être un objet de passage, dans lequel il se vautre. Cette image, dans sa tête, elle se la repasse, c’est une claque. Silence. Rebond. Melissa prend un virage, les sentiments qui s’entremêlent ; la fatigue et le cri, l’envie de mordre et le silence, la béance de s’être laisser trahir elle-même. Comment a-t-elle pu l’idéaliser ? Comment a-t-elle pu laisser mourir cet enfant ? La culpabilité et la honte l’envahissent. Ce monde, elle n’en veut plus. Alors, elle part. Sac à dos, avec Kiki, son ami folklo. Direction New-York. Tout redémarrer.

L’espoir d’un ailleurs

Ici commence l’épopée lumineuse de Mélissa, qui, de rencontres en voyages, la mènera jusqu’en Alaska. Portrait d’une génération esseulée, Carole Zalberg tisse avec densité, un roman poétique et lumineux, qui ouvre le cœur du lecteur, et lui offre l’espace – rare -, de rêver d’un ailleurs.  Car si l’époque est embrumée, une petite voix ici nous prend par la main et nous glisse que oui, il nous faut toujours, « horizon, garder ».

« Tes ombres sur les talons », de Carole Zalberg, Grasset), 144 p., 16 euros. Paru le 10 février 2021.

Visuels : Couverture du livre © Carole Zalberg/Grasset

 

 

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