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Les merveilles de Claire Castillon, portrait d’une jeune-fille simple en colère

11 December 2011 | PAR Yaël Hirsch

L’auteure d'”Insecte” (Fayard, 2006) et de “Les cris” (Fayard, 2010) passe chez Grasset pour l’édition de son nouveau roman au titre ironique “Les merveilles”. Portrait caustique d’une jeune-femme simple et vénale, les merveilles est un désenchantement prenant. Sortie le 4 janvier 2012.

La vie de la jeune Evelyne bascule quand, le premier mai, son père mutile son chien adoré Lulu. L’adolescente se découvre alors une violence folle et frappe avec un marteau sa mère. Figure d’attention et de stabilité, celle-ci n’en dit rien, à condition que le jaune-fille sache se tenir à l’avenir. Née, dans un foyer populaire où le père représentant en vernis trompe sa mère frigide et laide, Evelyne porte un regard ironique et sans tendresse sur ce foyer. Très vite, elle acquiert sa liberté avec son “trou”, en se donnant à l’âge de 13 ans à un ami du père, Joe Vandaire, dans un hôtel pourri de l’est de la France. rapidement descolarisée après plusieurs renvois pour son comportement provocateur, elle se trouve un emploi dans un club de strip-tease. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Luiggi, pizzaiolo, macho et aimant. Elle est supposée changer de vie et faire les ménages pour arrondir les fins de mois du couple qui a rapidement un enfant Ophélie. Mais Evelyne est lasse de tout , une vie à compter chaque sous et décide de se lancer en secret dans une carrière d’escort, sous le nom de son chien désormais décédé “Lulu”. Très douée pour le sexe, elle gagne vite très bien sa vie et cache dessous le luxe et argent amassé à son mari. Parmi ses clients, elle rencontre l’intellectuel dépressif au chômage Daniel. Il baise mal, mais elle est fascinée par son cerveau et ce qu’il a à lui apprendre. Jusqu’à ce qu’elle se lasse des monologues autocentrés de ce “toutou”. Elle réalise alors combien elle chérit sa petite vie simple dans les bras sentant le pain de Luiggi.

Vif, voire à temps cinglant, “Les merveilles” pratique le désenchantement avec maestria. Incestes et sexe triste sont la seule échappée belle d’une jeune-femme simple mais maligne qui croit trouver la liberté en utilisant sa féminité. Supérieurement intelligente malgré son manque absolu de culture, l’héroïne garde tout au long du livre un point de vue d’adolescente perverse sur un petit monde qui ne tourne pas rond. Les mots chocs et les images inventives de Claire Castillon tendent le texte jusqu’à le rendre irrésistible. Et pourtant, ce désespoir de jeune-femme au passé brulé et au futur condamné n’a rien de bien original… Qu’importe! on se prend d’empathie pour les clochettes qui rythment la vie d’Evelyne et d’une certaine façon l’on admira sa capacité à suivre ses pulsions, jusqu’au bout, avec une candeur que le contexte glauque transmue en perversion.

Claire Castillon, “Les merveilles”, Grasset, 237 p., 18 euros, Sortie le 4 janvier 2012.

Luiggi a du chagrin et un homme en peine, c’est pas pareil qu’une femme en peine, c’est lourd et ça montre si on a ou non assez d’amour pour lui. J’ai pas assez d’amour, j’en ai, mais pas assez. J’en ai un peu en passant, comme une caresse sur la joue, mais dans le cœur, j’ai pas l’épaisseur nécessaire à l’amour véritable et profond. Et sa mère morte, il y a quelque chose que je peux en dire, c’est long, ennuyeux, et ça s’ajoute au reste.” (p. 98).

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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