Le monde froid ou Les coulisses des sommets internationaux, par Gilles Mentré
Ancien de l’X et de l’ENA, Gilles Mentré a été conseiller diplomatique de différents ministres, puis conseiller à la présidence de la République, directeur adjoint du cabinet de Jean-Louis Borloo et de François Baroin. Il vient de publier Le monde froid ou les coulisses des sommets internationaux.
LA GENÈSE LA CRÉATION DE RENCONTRES INFORMELLES ENTRE LES CHEFS D’ETAT
Gilles Mentré évoque dans son ouvrage les coulisses et les affres des sommets internationaux. A cet égard, il n’hésite pas à parler d’un « monde froid ». Peu flatteuse, l’expression provient du premier ministre algérien Ahmed Ouyahia. L’auteur estime en effet que les discussions tournent à vide, car la procédure l’emporte incontestablement sur le fond.
Pour appuyer l’assertion, Gilles Mentré fait part de sa grande expérience de praticien. L’ouvrage évoque donc différents sommets auxquels il a participé, comme par exemple le sommet du G8 à Essen en Allemagne, le 10 février 2007.
Les membres du G7/G8, explique-t-il, se connaissent très bien, voire même trop bien. Au moins quatre fois par an, pour préparer le G8 des chefs d’Etat, ils passent quarante-huit heures ensemble à discuter dans la même pièce. Il n’y a aucun enregistrement ni verbatim écrit. Aucun collaborateur n’est présent à ces réunions de travail.
L’auteur rappelle que le G5 initial (États-Unis d’Amérique, Japon, RFA, France et Royaume-Uni) est peu à peu devenu le G6 (avec l’arrivée de l’Italie), lequel a précédé le G7 en 1975 (du fait de la participation du Canada). C’est en 1998 que le groupe s’est élargi en acceptant, dans ses rangs, la Russie. Il s’agissait de contrebalancer la lourdeur des discussions formelles par un dialogue direct entre les dirigeants des principales puissances industrialisées.
LE FORMALISME DONNE NAISSANCE AU MONDE FROID
Malheureusement, au fil du temps, le G8 s’est noyé dans la procédure, dans le formalisme. Au début, les présidents discutaient entre eux, sans papier rédigé à l’avance. Puis, on a créé la figure du « sherpa », lesquels discutent des sujets en amont des réunions. Ensuite, il y a eu les « sous-sherpas » s’occupant des affaires étrangères, puis ceux s’occupant des finances.
Des réunions au niveau ministériel ont été établies, ce qui a créé de nouvelles nomenclatures. Il y a désormais une multitude de filtres. On s’est éloigné du politique pour devenir une lourde machine administrative. En outre, il y a au niveau international de nouveaux acteurs à prendre en compte, comme les ONG.
Le G8 donne aujourd’hui l’image d’un terrain d’affrontements âpres, où les dirigeants se disputent pour la rédaction d’un texte prédiscuté par leurs équipes et, au final, sans saveur particulière. Différents sommets sont passés en revue par l’auteur.
L’auteur évoque une scène amusante où François Baroin, alors ministre des finances de la France, doit répondre aux questions de Standard and Poor’s sur la stabilité financière du pays et s’agace de l’impolitesse de son interlocuteur. En effet, celui-ci faisait fi des règles protocolaires et, ce faisant, ne donnait que du « Monsieur » à « Monsieur le Ministre »… Grand émoi du côté du ministre.
LE MONDE FROID N’EST PAS UNE FATALITÉ
Au niveau européen, on trouve le même « monde froid ». Parfois, cependant, le froid est battu en brèche, ce fut le cas à l’occasion de la création de la taxe mondiale sur les billets d’avion, laquelle doit beaucoup aux anciens présidents brésiliens et français Lula et Chirac.
L’ouvrage de Gilles Mentré est vraiment passionnant. Il est extrêmement intéressant de constater l’évolution des relations internationales et des pratiques des dirigeants de ce monde lors de leurs régulières réunions. Les anecdotes sont vivantes. Mais le lecteur regrettera que le problème du story-telling et de la communication ne soit pas abordé, alors que ce sont des dimensions indépassables de la diplomatie d’aujourd’hui. Un peu trop convenue, la postface de Jean-Louis Borloo affaiblit la force du message de l’ouvrage, qui reste de très bonne facture.
Gilles Mentré, “Le monde froid ou Les coulisses des sommets internationaux”, Éditions Du Mesnil, octobre 2012, 180 p., 18,50 euros.