Lauren Elkin ou Venise comme pélerinage aux sources
Premier roman de la journaliste américaine établie à Paris, “Une année à Venise” est une belle éducation sentimentale sur le vieux continent. Un livre où histoire oubliée, présent instable et avenir incertains se rencontrent sur la lagune.
Fiancée à un riche amoureux du lycée, Catherine, parfaite future épouse diplômée d’une ivy league en histoire de l’art, décide de s’offrir une année de liberté à Venise avant de plonger dans un avenir newyorkais déjà tout tracé. Elle emménage donc dans le quartier de Dorsoduro, installée par sa mère et son cher et tendre dans un joli appartement. Sa bourse d’études obtenue pour enseigner et poursuivre sa recherche sur les incunables sera donc son argent de poche. Côté enseignement, Catherine se laisse vite déborder par ses ouailles anglo-saxonnes que rien ne semble intéresser, pas même Ruskin. Côté vie privée, au début, le fait même d’être un peu seule est un bonheur: avoir son propre rythme, ses heures perdues à lire au café et aussi une ou deux nouvelles amies. Mais le goût de la liberté est enivrant et très vite, Catherine décide qu’il faut aussi qu’elle rencontre un amant. Un peu rebutée par cet exercice de tromperie envers son fiancé qui l’a toujours soutenue, elle lâche toutes les amarres quand elle rencontre le jeune et beau batelier Marco. Ce qui devait être une amourette de passage se transforme en grande passion… Catherine va-t-elle mettre en jeu son futur pour ce drôle de garçon qui a en plus une fâcheuse tendance à prendre peur et à disparaître?
Très référencé sur Venise, le roman de Laura Elkin est une déclaration d’amour à la sérénissime. Déclaration touffue et riche où fouilles archéologiques sur une synagogue juive privée et passion révélée à une jeune-femme de 27 ans s’entremêlent et résonnent mystérieusement. Un très beau roman d’éducations sentimentale, qui nous montre qu’il n’y a pas besoin d’aller vers un monde “nouveau” pour que la classique année à l’étranger de l’étudiant(e) chamboule sa vie.
Lauren Elkin, “Une année à venise”, trad. Jean Lineker, Eho, 336 p., 22 euros. Sortie le 12 avril 2012.
“Marina était très chaleureuse, se voulait consolante, mais ses bras ne m’étaient pas familiers, ils ne pouvaient être un havre de paix. Elle me disait ‘être une femme forte, comme si seules les femmes faibles étaient brisées par la perte d’un homme. Était-ce pour cela que j’étais brisée ? ‘Ce n’est pas l’absence d’homme, lui répondis-je, mais de terreau. Ce n’est pas un endroit pour prendre racine. Il y a trop d’eau, partout. Comment puis-je tenir? ‘”. p. 253