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L’affaire Dussaert de Jacques Mougenot

27 March 2012 | PAR Sandrine et Igor Weislinger

Point n’est besoin de vivre longtemps ni d’avoir produit beaucoup d’œuvres pour être célèbre. En quarante-deux années d’existence et vingt créations, Dussaert nous prouve qu’être artiste relève avant tout d’un discours sur l’art, d’une réflexion sur ce qu’est être un artiste de nos jours plutôt que sur une production abondante. En dépit des apparences de copiste qu’il a revêtu de son vivant, l’artiste spécialisé dans la discrétion s’est fait une belle réputation d’original doté d’une vision unique qui va très au delà des apparences. Faut-il avoir vu pour croire? L’éternelle problématique posée par St Thomas refait une fois de plus surface.

Nous sommes pris très vite par ce monologue sur l’art contemporain qui s’essaie à le définir et par la manière dont l’affaire Dussaert illustre les problèmes qu’il pose. La liberté laissée aux artistes contemporains leur permet de faire “tout et n’importe quoi” et pose la question des limites même de l’art. Le propos est teinté d’humour, de réflexion, d’interrogations et d’exemples.

La vie de Dussaert est décortiquée de plaisante manière avec des remarques désopilantes sur son expérience d’artiste. Après la copie d’œuvres d’art célèbres, Dussaert se lance dans l’œuvre-référence, il peint des toiles s’inspirant de tableaux universellement connus en partant de leurs arrières-champs pour les mettre sur les devants de ses créations. Autrement dit, il donne le rôle principal à ce qui était secondaire, il déplace le centre d’intérêt des peintures, il le transpose pour faire évoluer notre regard. Surprenante démarche que cette pièce explicite remarquablement bien. Les reproductions en noir et blanc des œuvres célèbres et de leurs reprises par Dussaert, insérées dans le livre, nous permettent de voir le résultat. Pour La Pie de Monet, par exemple, la variante entre les deux toiles est si infime qu’elle n’en n’est que plus réjouissante et met oh combien en évidence le talent tant de peintre que de copiste de Dussaert mais aussi l’intelligence subtile de ses transformations, son sens du détail. Il a su observer, voir au delà des toiles les plus fameuses, regarder dans le hors-champ, élargir les peintures, faire des zooms en arrière ou en avant comme dans sa reprise des Epoux Arnolfini de Jan Van Eyck.

Concernant Après tout, la dernière œuvre de Dussaert, la question se pose de savoir s’il y a œuvre d’art et si l’on peut vendre du rien avec un discours, c’est dirons nous l’éternelle question du commerce, tout comme on semble ici nous vendre une conférence sur l’art comme une pièce de théâtre, une conférence avec des coups de théâtre mais bien un monologue sur l’art. Donc ce livre pose non seulement la question des limites de l’art en ce qui concerne la peinture mais aussi dans le domaine du théâtre. Elle pose également la question des limites du commerce: peut-on acheter “rien” et même se battre pour l’acquérir? La valeur de l’acquisition, nous ne pouvons même pas parler d'”objet acquis”, est alors psychologique et non matérielle. Dommage que Dussaert n’ait pas vu la bataille suscitée par son œuvre ou plutôt tant mieux puisque sa volonté était d’être dans l’effacement. Nous pouvons émettre la théorie qu’avec Après tout, c’est Dussaert lui-même qui était mis en vente et acquis, ce qui lui confère ainsi une immortalité artistique.

Un sujet actuel et passionnant que nous attendons avec impatience de voir représenté au théâtre du Ranelagh avec l’auteur de la pièce, Jacques Mougenot(photo ci -dessus et ci -contre) dans le rôle titre, du 29 mars au 2 juin 2012. Cette pièce est jouée depuis 2002 par Jacques Mougenot et a rencontré un très vif succès depuis sa création. Après Corot, Jacques Mougenot s’est plongé avec passion dans la vie d’un artiste emblématique d’une période phare.

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Sandrine et Igor Weislinger

2 thoughts on “L’affaire Dussaert de Jacques Mougenot”

Commentaire(s)

  • Merci infiniment pour cet article élogieux de “L’affaire Dussaert”. Ce serait me flatter de dire que je trouve votre analyse très juste, donc je ne le dis pas, mais je n’en pense pas moins ! Puis-je en reproduire l’intégralité dans la revue de presse de mon site (en en citant les auteurs et l’origine bien sûr) ou à défaut mettre un lien ?
    J’espère vous rencontrer prochaînement à l’issue d’une représentation au Ranelagh en espérant que l’audition de la pièce ne vous fera pas moins d’impression que la lecture…
    Bien cordialement
    Jacques Mougenot
    PS. Les liens en référence sont invalides car ils ne sont pas séparés.

    March 28, 2012 at 15 h 31 min
  • Merci à vous. Oui, vous pouvez bien entendu reproduire notre article dans votre revue de presse. Nous serons ravis de vous rencontrer demain soir à l’issue de la représentation car nous serons là pour la générale de presse.
    bien à vous,
    Sandrine Weislinger
    ps: Je vais corriger pour les liens, merci.

    March 28, 2012 at 19 h 30 min

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