La réparation, Colombe Schneck voyage dans le passé concentrationnaire de sa famille juive lituanienne
La journaliste et écrivaine Colombe Schneck revient sur une partie masquée du passé quand elle retrace les destinées tragiques de son arrière-grand-mère et de deux cousins de sa mère morts dans les camps nazis et la manière dont la famille a voulu oublier tant de désespoir pour vivre. A découvrir chez Grasset le 22 août 2012.
La mère aimante et dans le déni du passé que Colombe Schneck avait dépeint dans “Val de Grâce” (voir notre article) fait promettre à la narratrice enceinte d’appeler l’enfant “Salomé” si c’est une fille. La future maman répond simplement “Pourquoi pas?” et accouche d’un beau garçon. C’est seulement après le décès de sa mère et même après la naissance de sa fille qu’elle a en effet appelé “Salomé” (sur les conseils d’une amie qui trouvait le prénom de la fille d’Hérodiade “joli”), qu’elle réalise qu’elle a fait peser sur la tête de sa fille le destin de la cousine de sa mère, gazée à Auschwitz à l’âge de 6 ans.
“La réparation”, ce sont les 1500 euros que l’auteure touche à la place de sa mère en restitution d’un appartement spolié, c’est aussi une enquête classique et minutieuse autour d’une destruction familiale volontairement taboue et quasiment oubliée par ceux qui sont venus après, de manière à laisser la vie reprendre, notamment chez les deux mères survivantes des deux jeunes cousins assassinés. Encadré par deux photos retrouvées de la petite Salomé et entrecoupés de voyages imaginaires puis en Lituanie, aux États-Unis et à New-York, sur les traces d’autres membres de la famille et de témoins restants, le roman est une enquête réussie, où l’auteure se demande toujours quel rôle la Shoah peut jouer dans la vie d’une femme et mère accomplie, qui aime être amoureuse, et prendre le soleil en maillot de bain.
Colombe Schneck, “La réparation”, Grasset, 224 p., 19.90 euros. Sortie le 22 août 2012.
“Je cherchais dans ma vie d’aujourd’hui des traces de ce passé et n’en voyais que des effets minuscules, je cherche ici les mêmes traces, je les vois partout. Dans les silhouettes de travailleurs sur le tarmac de l’aéroport, dans celles des femmes à cabas sortant des maisons en bois de la rue Democraty, dans ces adolescentes assises sur un monument à la signification vague, dans le visage de ces hommes impuissants qu tentent d’oublier qu’ici personne n’a tué et n’a été tué“. p. 207.