Essais
« Des îles. Iles des Faisans 2021-2022 » de Marie Cosnay : Les migrants et leur accueil

« Des îles. Iles des Faisans 2021-2022 » de Marie Cosnay : Les migrants et leur accueil

12 March 2023 | PAR Julien Coquet

Après un premier tome intitulé Des îles. Lesbos 2020-Canaries 2021, Marie Cosnay poursuit l’exploration de destins de migrants.

Il y a tout d’abord ce lieu intrigant, l’île des Faisans, située sur la Bidassoa, fleuve qui sépare la France de l’Espagne du côté du Pays basque. La particularité de cette île, c’est qu’elle est interdite au public, et que la moitié de l’année, elle est française, pour être espagnole le reste du temps. Et il y a Yaya Karamoko qui y trouve la mort, et dont on repêche le corps. Marie Cosnay, traductrice de textes antiques, écrivaine et activiste pour l’accueil des migrants, qui vit à Bayonne, mène l’enquête pour redonner une sépulture de mots au corps de Yaya.

Ne s’intéressant pas seulement à Yaya Karamoko, Marie Cosnay aide également des enfants à rejoindre et retrouver leurs parents, car « les enfants comme les morts nous posent des questions d’importance ». Parmi celles-ci, comment rapatrier un corps étranger dans son pays natal ? Comment regrouper des enfants de leurs parents, distants de plusieurs centaines de kilomètres et dans une situation irrégulière ? Face à la jungle administrative, les conseils des associations, les discussions avec les juges, la police, les centres d’accueil, Marie Cosnay bataille. La multiplication des interlocuteurs ajoute à la confusion : « Personne ne sait qui fait quoi, personne ne sait qui doit faire quoi, quel est le travail du prêtre de Las Palmas (prendre une photo), celui de Barbara (jeter un œil dans un registre interdit), jusqu’où doit aller notre petite famille autour du rescapé de Ciboure, quel est le rôle du délégué aux migrations auprès du gouvernement basque. » Et quand des certitudes apparaissent, elles sont parfois balayées : les sœurs ne sont plus des soeurs, mais des tantes, l’oncle est finalement le père, etc. D’où la difficulté qui émane du texte, sur lequel il faudrait prendre des notes si on souhaitait tout comprendre.

Alors, pour accueillir et accompagner les exilés qui passent, Marie Cosnay se raccroche à des outils simples. C’est par WhatsApp qu’elle organise des réunions, par DHL qu’elle reçoit des documents essentiels. Réussissant parfois dans sa démarche, échouant dans d’autres, Marie Cosnay poursuit son combat.

« Les histoires courent plus vite que moi, que nous tous, toujours une nouvelle attire l’attention. Il n’y a qu’une façon d’être dans une histoire : la porter entièrement, du moins porter entièrement le tronçon auquel on est, de gré ou pas, lié. Je suis dans l’histoire de Djeneba et de Fatou, tel laps de temps, entièrement concernée par le retour de Fatou. Le logement à Cordoue, le prix du voyage, les angoisses, les empêchements liés à la situation sanitaire : ce sont aussi mes questions. C’est ce qu’apprennent les histoires : on ne les survole pas. Ce que signifie porter se laisse définir. Porter signifie : être engagé à égalité. Tu ne surplombes pas. Tu ne cherches, sur le moment, même pas à comprendre les mystères non expliqués. Ou tu comprends sans rien demander, ou tu n’as pas besoin de comprendre. Tu es dedans, c’est tout. Sachant que si les histoires n’ont jamais de fin, le tronçon de l’histoire dans lequel tu es introduite, en aura une, lui. »

Des îles. Îles des Faisans 2021-2022, Marie COSNAY, Editions de l’Ogre, 248 pages, 21 €

Visuel : Couverture du livre

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