“Une loge en mer” de Magali Desclozeaux: un roman épistolaire loufoque sur les dérives de la finance mondialisée
Avec Une loge en mer, Magali Desclozeaux nous amène pour son troisième roman à bord d’un porte-conteneurs au milieu de l’océan. Avec ce roman épistolaire loufoque, elle questionne la place de ceux considérés comme inutiles dans un monde dérégulé par la finance mondialisée.
Une concierge à la dérive
C’est sur l’eau que Ninon Moinot décide de passer sa retraite après des dizaines d’années de bons et loyaux services en tant que concierge d’un immeuble parisien. Celui-ci se faisant progressivement racheter par un locataire ambitieux, elle est contrainte d’accepter la reprise en viager de son logement par ce dernier. En y voyant l’opportunité de changer de vie, elle accepte sa proposition de quitter l’immeuble pour vivre tout frais payés à bord d’un porte-conteneurs ou elle troque sa loge contre un conteneur de 12m2. Mais une fois l’euphorie du renouveau passée, c’est l’ennuie du bleu qui pointe. Lorsqu’elle apprend que son contrat en viager ne peut être résilié, c’est l’abattement. « Ainsi donc, je mourrai là où je loge. Dans une boite ». Sa demande de renseignement effectuée à une conseillère juridique qui rapidement s’avère être en incapacité de communiquer se transforme en véritable échange épistolaire avec le jardinier de celle-ci qui s’occupe désormais de la correspondance. Un lien émouvant se noue entre ces deux personnages vulnérables, tout deux perdants de la mondialisation, qui cherchent à comprendre le sort qui est réservé à cette concierge à la dérive. « A vous lire, je ne m’appartiens plus. Mon conteneur et moi-même, nous serions devenus un contrat voguant au gré des opportunités du marché ».
Un roman d’une poésie douce-amère
Les histoires de concierges ont souvent quelques chose de suranné, quelque chose d’une élégance de hérisson toujours touchante. C’est le cas d’Une loge en mer qui, à travers une intrigue loufoque, dépeint quelque chose de terrifiant sur notre époque. On se surprend à se demander si la possibilité de finir sa vie dans un conteneur en mer existe réellement. Sans aller jusqu’à être confondu avec un conteneur de crevettes et mis avec les autres surgelés, « je ne suis pas un animal, tout de même. Encore que ». Encore que. On pense en effet à l’existence des « appartements-cercueils » en Chine, ces habitations de quelques mètres carrés dans lesquels vivent de plus en plus de personnes.
Magali Desclozeaux, qui a embarqué sur un porte-conteneurs à Fos-sur-Mer pour mieux raconter les aventures de Ninon Moinot nous livre avec Une loge en mer un joli roman qui nous laisse un gout doux-amer. Triste poésie que cette boite perdue au milieu de l’océan à bord de laquelle vit cette ancienne concierge désormais considérée comme un « actif humain », une manière de faire une bonne affaire pour son propriétaire.
Couverture : ©Marie Balsan
Magali Desclozeaux, Une loge en mer, Les Éditions du faubourg, 176 p. 16,90€, sortie le 21 janvier 2021