Fictions
« Robledo » de Daniele Zito : Vivre pour travailler

« Robledo » de Daniele Zito : Vivre pour travailler

24 February 2019 | PAR Julien Coquet

Le journaliste Robledo fait trembler le monde de la presse en mettant en lumière une organisation secrète et terroriste, le TPT (Travail pour le Travail). Intéressante réflexion sur notre rapport au travail, ce faux document journalistique n’en est pas moins trop long.

En Italie, la société est désorganisée, les flux migratoires commencent à augmenter et la crise économique de 2008 fait des ravages. C’est dans ce contexte que de nombreux Italiens se retrouvent au chômage, déboussolés dans un monde dont les repères changent. Dans ce cas-là, difficile de s’adapter et de retrouver une vie normale… Alors, s’il n’y a plus d’emploi, si chaque entretien d’embauche ne conduit à rien, pourquoi ne pas créer son propre travail et s’insérer dans une vaste entreprise où, à défaut d’avoir un salaire, le travailleur a des tâches et des horaires à respecter ? Aussi folle qu’elle puisse paraître, cette histoire, fictive, est le point de départ de Robledo de Daniele Zito.

Cette dépendance au travail s’expliquerait par un conditionnement de la société : « L’abstinence à l’égard du travail, en particulier, provoque un effet qui peut être décrit au moyen d’une courbe de souffrance exponentielle ; durant les premières semaines, le cadre clinique des participants à l’expérience montre de remarquables ressemblances avec les sujets en proie au manque d’Internet et de smartphone ». Robledo mélange allégrement les reportages du journaliste italien Michele Robledo, accusé un temps d’avoir fondé TPT, les témoignages des travailleurs pour le travail, leurs lettres d’adieu au terme de leur « parcours de libération » et des documents plus factuels (conférences de presse, interviews…). Cette multiplication des sources s’essaye à comprendre comment des personnes aux parcours différents peuvent travailler entre huit et douze heures par jours sans salaire en retour.

A la manière de Borges, Daniel Zito interroge l’injonction de notre société au travail : pourquoi accepte-t-on de travailler sans être payé ? Pourquoi accepte-t-on des stages sans fin ? Hausse des contrats précaires, explosion des CDD, travail en intérim : tous ces changements dans la législation du travail conduisent à une révolution dans la façon dont nous appréhendons celui-ci. Cette dystopie intéresse, convoquant Marx, Adorno, Zygmunt Bauman, débats pour savoir si le mouvement TPT serait d’extrême droite ou d’extrême gauche. Pour autant, et c’est là la seule critique que nous pouvons faire à ce faux reportage, la forme est trop longue : là où Borges créait un monde en quelques pages dans ces Fictions, Robledo multiplie les témoignages et les écrits des travailleurs pour le travail.

« Ma cellule comptait au moins cent personnes. TPT en était seulement à ses débuts, les ghost workers rares, très rares. Aucun ne s’était encore retrouvé dans les faits divers. A cette époque-là, ça semblait vraiment un mouvement de libération. Et nous, comme si cela ne suffisait pas, nous nous croyions destinés à l’immortalité. Nous avions dépassé Marx, nous avions dépassé Marcuse, nous avions dépassé le capitalisme : nous étions les premiers représentants de la nouvelle ère. Jamais plus de chaînes. Jamais plus de patrons. Jamais plus de douleur. Juste des hommes et des femmes reliés par les liens d’un partage mutuel. »

Robledo, Daniele Zito, Christian Bourgois éditeur, 320 pages, 22€

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Julien Coquet

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