
“Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur” : Christine Orban dans la peau de Joséphine
Après s’être penchée sur Virginia Woolf dans Virginia et Vita (Albin Michel, 2011 / Stock 1991), Christine Orban emboîte le pas à une autre grande femme de l’histoire. Actuellement à l’honneur en son fief de la Malmaison et au Musée du Luxembourg (voir notre article), Joséphine de Beauharnais (1863-1814) est un personnage d’amoureuse qu’Orban investit avec trouble au moment de la répudiation par Napoléon.
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Née en Martinique, survivante de la Révolution française où son mari a péri, Josephe-Rose de Beauharnais a déjà des enfants et 6 ans de plus que Bonaparte quand elle épouse le jeune officier corse ambitieux, chevelu et maigre. 15 ans de vie commune, de lettres fougueuses et aussi de trahisons amoureuses plus tard, la raison d’Etat commande à l’empereur de dissoudre son lien à Joséphine pour épouser une alliée, l’archiduchesse Marie-Louise qui pourra, elle, lui donner des enfants. Cette répudiation est un coup terrible, dont Joséphine ne se remet pas. Elle se réfugie dans son domaine de la Malmaison et le roman commence quand la quadragénaire toujours coquette revient sur sa folle passion pour celui qui a fait trembler l’Europe…
Extrêmement sensible, très juste jusque dans ses ressassements poétiques, ce portrait empathique et admiratif d’une femme en disgrâce est aussi l’occasion pour Christine Orban de dépeindre une époque de l’histoire de France et un pan – ici consenti- d’une condition féminine qui, même après l’apocalypse et au sommet du pouvoir, a été cantonnée à une frivolité légère et organisée de maîtresse de maison. S’il n’est pas sur que Joséphine fût aussi seule et aussi détachée du luxe que Christine Orban la décrit, le portrait libre de femme saura parler aux grandes amoureuses et aux fines politiciennes d’aujourd’hui.
Christine Orban, Quel effet bizarre faites-vous sur mon coeur, Albin Michel, 264 p., 19 euros. Sortie le 7 mai 2014.
“Quand tu partais à la guerre, tu revenais, il m’arrivait d’attendre six mois mais tu revenais. L’attente est une présence différée, une présence envoûtante et obnubilante, chargée d’espoir, de souvenirs. Je n’ai plus même le droit à l’attente.” p. 104
visuel : couverture du livre