
“Profession du père” : Sorj Chalandon puissant dans un roman intime et insoutenable
Après l’Irlande (Retour à Killybegs) et le Liban (Le quatrième mur), Sorj Chalandon situe l’action du son nouveau roman en France, au sein d’une famille, pour dresser le portrait d’une violence domestique. Un roman magnifique et insoutenable de tensions, de fantômes rances et d’amour étouffant.
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Dans une ville de France des années 1960, Emile est un adolescent doué au crayon mais pas très bon à l’école. Fils unique d’un père terrorisant et d’une maman effacée, il est battu et mis au placard quand il a de mauvaises notes. Obsédé par la guerre d’Algérie et d’ailleurs par la guerre en général, le père exerce également une violence psychologique forte en dénigrant tout ce que sa femme et son fils font en inventant des histoires d’espions, de conspirations, de secrets suggérés à De Gaulle et d’appartenance à une organisation secrète type OAS…
Éclaté dans le temps entre les années 1950-60 et les années 2010, le roman se lit comme un calvaire qui aurait eu sa résilience et la possibilité d’un foyer apaisé pour l’ancien petit garçon battu et terrorisé. Dans des mots très simples, des descriptions très réalistes, Sorj Chalandon décrit un quotidien d’autant plus terrifiant que jamais l’amour est mis en cause : la dépendance affective est là, organique, puissante, et la révolte est écartée de ce huis clos étouffant entre le père impitoyable, le fils traumatisé et la mère quasi-muette. Un texte précis, beau et fort, qui a remporté le prix du style 2015.
Sorj Chalandon, Profession du Père, Grasset,320 p., 19 euros. Sortie le 19 août 2015.
visuel : couverture du livre