« Le crime du comte Neville » d’Amélie Nothomb : humour noir et château hanté
Amélie Nothomb publie chez Albin Michel son 24ème roman, Le crime du comte Neville. Un roman qui retrouve quelque peu ce qu’on aimait dans les œuvres de jeunesse de l’auteure : un peu de mystère, de l’humour bien noir et un décor envoûtant.
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En cette rentrée littéraire, il n’est pas étonnant de voir en librairie le nouvel ouvrage d’Amélie Nothomb (toujours publié chez Albin Michel). Depuis 1992, date de la publication de son premier roman, Hygiène de l’Assassin, l’auteure à succès en publie un chaque année. « Serait-ce cette contrainte annuelle qui donne à ses ouvrages leur petitesse ? », pourraient ironiser certains. Il n’en est pas moins qu’Amélie Nothomb publie cette année un roman qui ne diffère certes pas par sa longueur, mais bien par ce talent d’imagination qu’on lui avait presque oublié.
Qui, en 2014, se soucie encore de ce qu’il advient des châtelains, une fois qu’ils n’ont plus les possibilités financières d’entretenir leurs grandes demeures ? Personne, à part peut-être Julian Fellowes, créateur de Downtown Abbey, et auteur du très bon Un Passé Imparfait. Car c’est de cela dont il s’agit, en arrière-plan mais bien présent, dans Le Crime du comte Neville. Comment grandissent les enfants dans leur tour d’argent ? La vie est-elle nécessairement plus simple ? Doit-on sacrifier son château et le vendre, si un enfant meurt de froid, et qu’on a pas l’argent pour le sauver ?
La réponse est non, sans équivoque. Ne mène pas la vie de château qui veut, même quand on en possède un (il ne suffit pas de vivre dans un château pour être noble !) Prenez le comte Neville, par exemple : ce château où il a grandi, où ses enfants ont grandi, il est contraint de le quitter, de le vendre… Mais avant de le vendre, il doit bien faire une seule et dernière chose : organiser une fête, une grande réception que tous les notables de la région envieront.
L’idée est belle, donne à son inventeur une dernière branche à laquelle se retenir, quand soudain tout s’écroule, quand la jeune fille du comte Neville, Sérieuse, décide de passer la nuit dans la forêt, et est retrouvée par une voyante en pleine nuit, qui l’amène chez elle. En allant récupérer sa fille le lendemain, la voyante prédit alors au comte, entre autres reproches, que durant cette grande et belle fête, il tuera un des invités. Ah. Voilà qui n’est pas très cordial. Tuer un invité ? Il y a de quoi ruiner une carrière entière, mettre en pièces toute une réputation ! Quoique, pas si cet invité est bien choisi… Des aristocrates détestables, ce n’est quand même pas ce qui manque… Mais qui choisir ? Et comment procéder ?
Dans ce roman, on retrouve la Nothomb presque oubliée des années 90, la Nothomb d’Hygiène de l’Assassin, d’Antéchrista, d’Acide Sulfurique. Son style, aux airs de simplicité travaillée, confère toujours néanmoins au lecteur un plaisir non dissimulé. L’humour est très noir, et très loufoque, mais ça fonctionne toujours. Jusqu’à la dernière seconde, l’histoire ne semble pas trouver de dénuement : c’est bien mal connaître la dame Nothomb qui a bien plus d’un tour dans son sac, et sous son grand chapeau.
Amélie Nothomb, Le crime du comte Neville, Albin Michel, 144 p., 15€. Date de sortie : août 2015.
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