Fictions
« L’Autre » de Thomas Tryon : The Kids Aren’t Alright

« L’Autre » de Thomas Tryon : The Kids Aren’t Alright

26 April 2023 | PAR Julien Coquet

Premier roman de Thomas Tryon, adapté au cinéma, L’Autre, indisponible depuis les années 1990, est de nouveau publié par les éditions du typhon.

Les classiques de l’horreur et du fantastique se comptent sur les doigts des deux mains : Edgar Allan Poe, Lovecraft, Shirley Jackson, Stephen King, Richard Matheson… On est alors toujours heureux de découvrir des nouveaux venus, comme Mariana Enriquez qui a nous a récemment convaincus avec son Les Dangers de fumer au lit, ou de redécouvrir de grands romans passés sous les radars, presque tombés dans l’oubli, comme L’Autre de Thomas Tryon. Pourtant, les aficionados du cinéma horrifique connaissent le film adapté du roman, L’Autre de Robert Mulligan (1972), qui s’inscrit plus généralement dans la veine des films d’horreur sur ces chérubins finalement pas si innocents (La Malédiction de Richard Donner, Goodnight Mommy de Veronika Franz et Severin Fiala, Esther de Jaume Collet-Serra…).

Nous sommes à l’été 1935, au Connecticut. Niles et Holland, jumeaux, viennent de perdre leur père quelques mois auparavant. Alors que leur mère se morfond à l’étage, les deux frères continuent de jouer sous le regard bienveillant de leur grand-mère Ada. Mais les événements étranges se multiplient : le rat du cousin Russell meurt, Russell se retrouve empalé sur une fourche après avoir sauté dans un tas de foin, une bague que l’on croyait disparue refait son apparition… Et Niles va finir par douter de l’innocence de son jumeau : « Holland avait un secret, Niles en était sûr ».

Dès sa sortie, le livre est un succès critique et commercial (d’où son adaptation cinématographique un an plus tard). L’Autre décide de prendre son temps, de placer son décor et de faire monter la tension cran par cran. La campagne américaine se retrouve longuement décrite, le lecteur a chaud, tout comme les personnages. L’horreur est ici plus distillée : elle se glisse tranquillement en vous, et ne se présente pas frontalement, et encore moins de façon glauque ou spectaculaire. Alors que l’été pourrait être langoureux, Thomas Tryon égrène les grains de sable dans sa machine : les incidents inexpliqués comme la relation d’amour/haine entre les deux jumeaux (« sans Holland, [Niles] avait l’impression de perdre une indéfinissable part de lui-même ») intriguent. Roman à twist (nous sommes moyennement convaincus par le procédé, même si celui-ci devait marcher au début des années 1970), L’Autre inquiète encore, plus de cinquante ans après sa parution.

« Encore ce sourire étrange ! Quelle était donc cette chose qui amusait tant Holland depuis une semaine, et même avant ? Qu’est-ce que c’est ? Raconte. Explique-moi. Non, tu ne veux pas – tu ne le fais jamais, ne l’as jamais fait, ne le feras jamais. Ce n’était pas juste. Ils venaient de la même cellule, avaient vécu neuf mois pelotonnés l’un contre l’autre. Ils auraient dû savoir déjà mutuellement leurs secrets. Et lui, il avait livré les siens, tous. Était-ce ainsi qu’étaient supposés se conduire des jumeaux ? Les Gémeaux, Castor et Pollux ? Je t’ai déjà dit tous mes secrets. Mais tu gardes les tiens, tu les caches. Avare, sournois, dissimulé, ce Holland ; furieux la moitié du temps, indifférent le reste… Les jumeaux passent pour être proches l’un de l’autre, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ? »

L’Autre, Thomas TRYON, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sarah Londin, Editions du typhon, Collection Les hallucinés, 368 pages, 23 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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