Intégrale H. P. Lovecraft. Tome 3 « L’Affaire Charles Dexter Ward » : L’antre de la folie
Unique roman de Lovecraft, L’Affaire Charles Dexter Ward voit un jeune étudiant plonger dans la folie.
Ecrit de janvier à mars 1927, L’Affaire Charles Dexter Ward sera publié uniquement de façon posthume par Weird Tales en 1941, comme l’autre longue œuvre de Lovecraft, la nouvelle « La Quête onirique de Kadath l’inconnue » (écrite entre novembre 1926 et janvier 1927, mais publiée en 1943). La raison ? Le traducteur David Camus donne plusieurs pistes : « paresse, orgueil, négligence, refus de se mêler des affaires courantes du monde, enfermement dans sa dignité d’auteur (vous n’êtes pas assez bon pour mon œuvre), ou bien plus simplement, peur de voir son œuvre refusée par son éditeur traditionnel (Weird Tales), incapacité à supporter la douleur qu’un tel rejet engendrerait ». Plus globalement, l’écriture de L’Affaire Charles Dexter Ward arrive dans une période faste pour l’écrivain : Lovecraft vient d’arriver à Providence, d’écrire son essai Épouvante et surnaturel en littérature ou encore la nouvelle « L’Appel de Cthulhu »… Pour autant, ce court roman restera dans les tiroirs pendant de nombreuses années.
En un peu moins de cent cinquante pages, Lovecraft dresse le portrait d’un jeune étudiant, Charles Dexter Ward, profondément perturbé par la découverte de la tombe d’un de ses ancêtres, le sorcier Joseph Curwen. Et Charles de se plonger dans la généalogie et de vieux manuscrits afin de mieux comprendre qui était cet homme mort il y a cent cinquante ans. Pourtant soutenu par sa mère, Charles s’enfonce dans la folie.
Lovecraft joue habilement la carte de la mise en abyme (notes, témoignages, lettres), prenant le lecteur par la main et le conduisant dans les cercles de l’enfer de la folie. Malgré quelques répétitions, le roman se lit avec une angoisse grandissante et le focus sur la déchéance d’un jeune homme bien sous tous rapports conduit à une identification bienvenue. Une œuvre importante, donc, dans l’œuvre de l’écrivain de Providence, mais peut-être pas la meilleure pour plonger dans son univers horrifique.
« Charles avait désormais l’air complètement exténué et traqué, et tout le monde pense, rétrospectivement, qu’il a peut-être eu envie, à cette époque, de faire une déclaration ou une confession, mais qu’une terreur absolue l’en empêcha. Les surveillances maladives de sa mère, la nuit, révélèrent qu’il profitait souvent de l’obscurité pour sortir de la maison, et la plupart des aliénistes les plus doctes sont aujourd’hui tous d’accord pour lui attribuer les abjects cas de vampirisme sur lesquels la pesse publia tant de reportages à sensation, à l’époque, mais dont on n’a toujours pas pu identifier le véritable coupable. »
L’Affaire Charles Dexter Ward. Tome 3 de l’intégrale H.P. LOVECRAFT, traduit de l’américain par David Camus, Editions Mnémos, 162 pages, 19 €
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