
La garçonnière de Hélène Gremillon, un thriller qui fait voyager, loin des clichés, à Buenos Aires
L’auteure de “Le confident” (2010, traduit en 27 langues) est de retour avec un thriller bien foutu, qui part d’un assassinat et d’un divan pour nous ouvrir des perspectives troublantes sur les années de dictature en Argentine. Élégant, précis et à lire d’une traite. Un vrai coup de cœur.
Buenos Aires, 1987. Le psychanalyste Vittorio Puig rentre un soir chez lui et découvre que sa jeune et belle femme Lisandra a été projetée à travers la fenêtre. Elle est morte sur le coup. Au commissariat, il comprend avec stupéfaction qu’il est le suspect n°1 parce qu’une voisine les a entendus se disputer dans la soirée avant qu’il ne parte -seul- au cinéma. Le sort du docteur Puig semble donc scellé, surtout que le commissaire ne l’aime pas. Mais une de ses patientes, Eva Maria, décide d’aider le docteur. Munie d’une clé de l’appartement de Vittorio, elle ouvre une enquête personnelle, partant du principe qu’un des autres patients du psy a pu passer à l’acte, et avec la complicité de ce dernier qu’elle va voir au parloir de la prison, cette maman courageuse écoute les enregistrements des séances d’analyse et fouille dans la vie de Lisandra et Vittorio. Elle ne découvre pas que beaucoup d’adultère, et les exactions de la junte militaire, supposées être rangées dans les archives du passé, semblent avoir un rôle à jouer dans la mort de la femme du Docteur Puig.
Structurant son récit selon plusieurs voix, qui nous révèlent peu à peu qui fait quoi et quelle est la situation de départ, Hélène Grémillon nous offre un puzzle très littéraire dans la plus grande tradition argentine, avec un soupçon de cinématographie sous le soleil de Puig. Un excellent roman à suspense la morte est aussi un peu femme fatale et où le meurtrier n’est jamais celui que l’on croit.
Hélène Gremillon, “La Garçonnière”, Flammarion, 360 p., 20 euros. Sortie le 4 septembre 2013.
“Eva Maria a la voix blanche. Comme quelques-uns de ses cheveux. Elle se demande si c’est ça le secret -la raison- de parler d’une voix blanche qui fait blanchir les cheveux. La partie poétique de son cerveau s’active. Eva maria a besoin de se terrer derrière l’absurde quand l’inhumain se rapproche. Ou de boire. Mais là, elle ne peut pas boire. Elle froisse les feuilles. Elle n’arrive plus à se tourner. Son doigt est sec. Eva Maria n’a plus de salive. Les phrases résonnent dans sa tête. Dans sa gorge tarie.” p. 130